4 févr. 2019

"La Fresque de la vie" d'après Edward Munch, par la Note blanche

« La Fresque de la vie » ou une vision de la femme norvégienne par Edward Munch à la fin du XIXe siècle :


Introduction :


« Il peint, ou plus exactement il observe les objets d'une façon différente de celle des autres artistes. Il ne veut que l'essentiel, et naturellement, il ne peint que cela. C'est pourquoi les tableaux de Munch ne sont en général pas « achevés », comme le font si volontairement remarquer les gens. Que si ! - ils sont bel et bien achevés : son œuvre dans tout son achèvement. L'art est achevé quand l'artiste a vraiment dit tout ce qu'il avait sur le cœur...»

L'artiste est né en Norvège, en 1863. De son enfance, Munch retiendra surtout la maladie et la mort qui endeuillèrent la famille. A peine âgé de cinq ans, il perd sa mère emportée par la tuberculose puis, à quatorze ans, il assiste à la lente agonie de sa sœur âgée seulement de quinze ans, également atteinte par la tuberculose. Ces décès lui donneront le goût des représentations morbides. En effet, l'œuvre du peintre oscille dès le départ entre la maladie et l'angoisse. Concernant son parcours, Munch commence par étudié durant une année dans une école technique avant de se consacrer très sérieusement à l'art. Il analyse avec attention les œuvres des anciens peintres, il suit des cours de dessin de nu à l'école Royale du dessin et obtient pendant un temps, les  corrections du plus grand naturaliste norvégien de l'époque, Christian Krogh. Toute sa vie d'artiste sera vouée à l'expérimentation de différentes techniques tels que la peinture, la lithographie, les pointes sèches, la gravure sur bois, l'aquarelle, les pastels, les dessins, la sculptures, etc. Grâce à une bourse d'état, Munch voyagera beaucoup : Bruxelles, Italie, Suisse, France et surtout en Allemagne où il se fera connaître lors d'une exposition qui fît scandale en 1892. La cause de ce scandale provenait de sa célèbre toile intitulée : Le Cri . Au sujet du cri, Munch écrira en 1892 dans son journal : « Je longeais le chemin avec deux amis – c'est alors que le soleil se coucha – le ciel devint tout un coup rouge couleur de sang – je m'arrêtai, m'adossai épuisé à mort contre une barrière – le fjord d'un noir bleuté et la ville étaient inondés de sang et ravagés par des langues de feu – mes amis poursuivirent leur chemin tandis que je tremblais encore d'angoisse – et je sentis que la nature était traversée par un long cri infini ». 

Edward Munch représentait la contribution inattendue de la Norvège à l'épanouissement de la peinture et de la gravure. Sous le coup d'impressions nouvelles,  le peintre écrit dans son journal : «En vérité, mon art est une confession que je fais de mon plein gré, une tentative de tirer au clair, pour moi-même, mon rapport à la vie...C'est au fond une forme d'égoïsme, mais je ne renonce pas à espérer qu'avec son aide je parviendrai à aider d'autres gens à se comprendre». Et c'est dans cette perspective qu'en 1894, Munch se rendit une nouvelle fois à Berlin puis à Oslo, des périodes de sa vie où ils se consacrent à la "Fresque de la vie" . Cette frise représente une des œuvres majeures du peintre. Celle-ci dessine un poème à la vie, à l'amour et à la mort. Cependant, son objectif étant d' « aider d'autres gens à se comprendre », le point de vue que porte Munch sur les femmes nous ramène au contexte de la condition féminine à la fin du XIXe siècle. En effet, dans cette fresque, nous remarquons que la thématique de la féminité revient régulièrement. Nous retrouvons la célèbre Madone, qui deviendra une des toiles fondamentales de la frise puis, les peintures sur lesquelles nous nous consacrerons principalement pour notre étude : La femme aux trois stades de son existence , Cendre  et  La danse de la vie . Peut-être que l'artiste tenait à observer ou à soutenir cette lourde crise du féminisme par le biais de ses tableaux ?

Ce n'est qu'en se référant au contexte de la première vague du féminisme du XIXe siècle, ainsi qu'aux différentes œuvres littéraires de l'époque, que nous pouvons comprendre quels sont les présupposés généraux qui président à l'élaboration de la 'fresque de la vie" . Par conséquent, nous examinerons l'image de la femme chez Munch, ce qui nous permettra de développer le lien qui se tissent entre la politique du féminisme et l'art littéraire et pictural. Dans un premier temps, nous allons observer l'œuvre de La femmes aux trois stades de son existence. Dans cette peinture, nous relèverons la discrète présence de la figure, mais malgré tout centrale, d'une des premières figures emblématiques du féminisme en Norvège : Dagny Juel Przybyszewska. Sachant que Munch lui avait déjà dédié un portrait  : Dagny Juel  Przybyszewska, et sachant que ce dernier cultivait pour elle, une véritable fascination. En effet, Dagny Juel incarnait une des premières femmes qui appartenait à la première vague du féminisme. Cela faisait d'elle un modèle de l'évolution et de  l'émancipation de la femme au sein de la société norvégienne. Dans un second temps, grâce à l'analyse du tableau  Cendre, nous développerons la dimension théâtrale de la scène représentée. Cet aspect théâtral de la scène fait écho au théâtre d'Henrick Ibsen, ami de Munch et qui, exposait également les débuts de l'affranchissement de la femme ainsi que sa propension à vouloir être éduquée et libres, comme dans les pièces d' Hedda Gabler et de  La Maison de poupée. Enfin, nous étudierons la dimension immanente de la vision de la femme chez Munch. Nous verrons que celle-ci dépend d'un contexte historique et d'une prise de position du peintre face à la situation problématique de la femme en Norvège à la fin du XIXe siècle. Par exemple, sa perception de la madone reste en effet singulière à son époque.  

1) « La femme aux trois stades de son existence 15», un retour sur la femme par le peintre Edvard Munch :


De nombreux critiques ont reconnu dans La femme aux trois stades de son existence comme étant l'œuvre la plus importante que Munch est consacrée à ce sujet. Cette peinture fut exposée pour la première fois en 1894 à Stockolm où, sous le premier titre de Sphinx , elle faisait partie de la série intitulée  "Amour" . En 1902, à Berlin, elle constituait le noyau de la «Fresque de la vie" , consacrée entièrement  à l'épanouissement et à l'amour. En effet, il ne s'agit pas là du portrait de trois femmes différentes, mais, comme le laisse entendre le titre, d'une visualisation des diverses conceptions que l'homme pouvait élaborer sur les différents modes d'existence de la femme. Une nouvelle fois dans son journal, Munch rédige : «  Les peintres ne représenteront plus de scènes d’intérieur, l’homme lisant, la femme cousant, ils doivent peindre des hommes qui respirent, s’émeuvent et aiment [...] Je vais faire une série de tableaux dans cet esprit ; il faudra que l’on comprenne ce qu’ils contiennent de sacré, et que les gens se découvrent devant eux comme s’ils se trouvaient dans une église  ». Le tableau définissant les trois stades de l'existence de la femme vient concrétiser la dimension sacrée que Munch voulait lui procurer à travers les différentes étapes de son évolution.  Tout d'abord, la femme en robe blanche qui figure dans la partie gauche, correspond à la plénitude, la sérénité et à l'assurance de pouvoir avancer vers l'avenir ou vers l'infini que l'océan symbolise. Cet avancement pur, spirituel et doté d'une certaine virginité que vient représenter la blancheur de sa robe, contraste avec la femme du milieu. Cette dernière est la figure centrale du tableau. Elle se tient grande et nue, dans une position de provocation effrayante, qui ne peut que rappeler l'expression et  la posture générale de la  Madone. La troisième femme du milieu, ayant une posture stable et noble avec les lèvres fardées fait surtout penser au portrait de Dagny Juel Prybyszewska , peint un an auparavant par Munch : Dagny Juel Prybyszewska. En effet,  Dagny Juel correspond à l'émancipation de la femme à la fin du XIXe siècle. D'après l'encyclopédie Encarta : « À la fin de l’époque moderne, en grande partie à cause de la déchristianisation de la société, de lentes évolutions modifient la vie quotidienne comme l’image de la femme ; après avoir été confiné dans une simple étude du regard que les hommes ont porté sur les femmes, l’historien peut désormais dresser une histoire concrète de la vie des femmes. Afin de s’insérer dans la vie publique, les femmes participent, surtout au XIXe siècle, aux œuvres d’assistance et de charité (dames patronnesses), et d’éducation (infant schools anglaises et salles d’asiles en France)». Suite à un long combat, la femme commence à obtenir et à prendre conscience de son droit à être éduquée à l'époque du XIXe siècle. En tant que proche et amie de Munch, Dagny en est un exemple emblématique, ce qui donne au tableau une tout autre dimension. D'après l'œuvre Dagny Juel  Prybyszewska, the woman and the myth, celle-ci refléterait même un caractère mythique de la condition de la femme à cette époque. En effet, Dagny était un écrivain norvégien. Elle était reconnu pour ses liaisons amoureuses avec divers artistes dont Edvard Munch. Cependant, elle épousa en 1893, l'écrivain polonais Stanislaw Prybyszewska. Sa mort prématurée à l'aube de ses trente-quatre ans, fut dramatique car elle fut abattu par un jeune amant dans une chambre d'hôtel à Tbilissi en 1901. Dagny eut une éducation précoce. Elle fut établi dans une école privée pour fille à Kongsvinger. De plus, elle a été une des premières à défendre la cause féminine. Celle-ci faisait, en effet partie de la première vague de l'histoire du féminisme qui débuta avec le suffrage (le suffrage est le droit des femmes à voter). La lutte pour le suffrage des femmes constituait l'un des combats le plus fondamental. Toutes se sont concentrées sur l'obtention de ce suffrage, sur le droit d'être éduqués, pour de meilleures conditions de travail et d'autres normes sexuelles. Tout en menant cette guerre, Dagny commença ses études supérieures en 1875 et put réussir, six années plus tard, ses examens pour l'entrée au collège. Par conséquent, tout cela lui a permis d'étudier des sujets tels que la littérature, l'histoire ou les mathématiques. En 1882, elle quitta l'Europe pour étudier la musique à Erfurt, puis elle déménagea à Oslo avec sa sœur afin de poursuivre son cursus. C'est à ce moment de son existence que débuta sa vie de bohème de citadine et que sa relation avec le peintre Edward Munch se constitua. Même si la relation amoureuse au sens premier du terme n'était pas réellement avouée, nous retrouvons régulièrement la figure de Dagny dans les œuvres du peintre. Par conséquent, le portrait que lui dédia l'artiste ressemble fortement à la troisième femme de la peinture La femme aux trois stades de son existence. Cela ne semble pas anodin car cette œuvre offre le point de vue du peintre sur l'évolution de la femme alors que celle-ci se trouve dans les prémices de son affranchissement. Nous observons quatre femmes qui peu à peu s'élèvent vers le ciel et la liberté. Celle de droite, en retrait des autres, a la tête penchée, semble être dominée et endeuillée par sa condition de femme soumise. Auprès de cette dernière, ce que nous supposons être Dagny Juel, vient signifier le commencement de l'émancipation qui conduira la femme vers un épanouissement totale, ce que représentent les deux dernières jeunes filles, mises en lumière par Munch. La présence de Dagny dans cette peinture est la démonstration de cette émancipation, de part son éducation culturelle, ses fréquentations et sa liberté sexuelle. En revanche, malgré ses convictions, Dagny décide d'abandonner le peintre et ses multiples amis afin de se ranger dans la société en épousant Stanilaw Prybyszewski. Tout d'un coup, La femme aux trois stades de son existence donne le point de vue de  l'éternel retour nietzschéen qui symboliserait la réappropriation de la triste condition féminine de Dagny. En d'autres termes, après s'être épanouie et élevée vers le ciel, la femme serait revenue à la soumission. 

A l'occasion de l'exposition de Leipzig, Munch a remplacé le tableau aux « trois femmes » pour une toile dont le contenu est étroitement apparenté à  La danse de la vie. Cette peinture a été achevée cinq ans plus tard et serait interprétée comme une version narrative de La femme aux trois stades de son existence. En effet, nous pouvons observer la femme vêtue de noir à droite du tableau qui symboliserait Dagny qui se met volontairement à l'écart de son passé mouvementé et de son double, à gauche du tableau, qui elle, est habillée en blanc, la couleur de l'espoir et de la pureté. Cependant, ayant eu des rapports sérieux avec Dagny, Munch n'a jamais su avouer ses sentiments envers cette dame, hormis dans ses œuvres dans lesquelles il peignait et défendait sa fascination pour celle-ci : « Au milieu de la grande toile que j'ai peinte cet été je dansais avec mon premier amour ; il s'agit d'un souvenir d'elle. C'est alors qu'entre la femme souriante aux boucle blondes, qui veut arracher la fleur de l'amour, mais qui ne s'autorise pas à être elle-même cueillie. A l'opposé, une femme habillée de noir regarde pleine de chagrin le couple en train de danser. Elle est l'exclue, tout comme j'ai été exclu par sa danse...». Au milieu de l'agitation et de la danse, Munch peint ici le désespoir d'une femme et le désir inaccompli d'un homme égaré dans le mouvement coloré de son existence. Par conséquent, c'est par l'histoire du peintre lui-même et quelques extraits de son journal que nous comprenons la discrète récurrence de la figure de Dagny dont il fit le portrait afin de sublimer ou de lui exprimer ses sentiments, ce qui frôle une dimension presque autobiographique de sa peinture et de sa vision de la femme : « En posant le portrait comme point de rencontre du biographique et du photographique, les théoriciens semblent naturellement conduit à penser à la « relation biographique » »

Dans les « Trois femmes » et La danse de la vie, nous voyons donc un portrait de la femme perçu selon différents aspects de son existence. La supposition de la présence de Dagny Juel vient concrétiser le combat de la femme au XIXe siècle que Munch respectait et défendait. Cependant, les scènes que peint l'artiste portent également une dimension théâtrale, notamment dans Cendre et La danse de la vie qui pourrait être assimiler à deux œuvres fondamentales d'Henrick Ibsen qui sont Hedda Gabbler et La maison de Poupée.


2) La femme dans La fresque de la vie par Edvard Munch et le théâtre d'Henrick Ibsen :


Edvard Munch et Henrick Ibsen se sont rencontrés à quelques reprises à Oslo. Cette rencontre fut d'une grande importance pour les deux artistes car Munch, ayant enduré la rudesse de la critique et pris pour un malade mental, le soutien artistique et moral qu'Ibsen lui a offert fut un encouragement durant cette période difficile. Munch ne l'oublia jamais et lui dédia un portrait en guise de reconnaissance. D'après la thèse de Ingrid Junillion : « Le peintre Edvard Munch a réalisé plusieurs centaines d'œuvres - aquarelles, gravures et dessins - inspirées de plusieurs pièces d'Henrik Ibsen. Ce corpus impressionnant, réalisé sur une période de plus de cinquante ans, se caractérise par sa diversité - diversité de nature, de style, de technique. Cette production a pour l'heure fait l'objet d'études très fragmentaires ; elle est pourtant exemplaire du phénomène de correspondances artistiques, par l'impact qu'a eu l'œuvre du dramaturge Henrik Ibsen (1828-1906) dans la formation intellectuelle et la création artistique du peintre Edvard Munch (1863-1944). La relation entre les deux plus célèbres personnalités norvégiennes a ainsi donné naissance à une œuvre qui ressortit, sans s'y cantonner, aux divers domaines de la scénographie, de l'illustration et de la transposition visuelle. Son caractère éminemment intime, cependant, en fait un cas d'étude particulièrement original dans le thème du rapport entre texte et image : amené au monde du théâtre et de l'illustration par la sollicitation d'acteurs extérieurs, Munch s'est peu à peu délivré de toutes les contraintes inhérentes à une création à des fins publiques pour instaurer un dialogue artistique aussi durable qu'exclusif avec la fiction dramatique. Dans son tête-à-tête avec l'œuvre d'Ibsen, le peintre s'est en outre montré un lecteur pénétrant mais subjectif. Si la fiction littéraire est la source référentielle première, la part d'interprétation, puis d'appropriation et d'expression personnelle fait de ces œuvres moins des illustrations qu'une lecture visuelle, dans laquelle le rapport de primauté entre texte et image se fait toujours plus fluctuant, toujours plus subtil ». En effet, Munch a été convaincu par l'intérêt d'Ibsen pour La femmes aux trois étapes de son existence. Ainsi, les deux artistes ont mutuellement dialogués leur point de vue sur l'art ce qui  nous motive à établir des parallèles entre les peintures de Munch et le théâtre d'Ibsen : « Par leur approche symbolique et expressionniste plutôt que narrative, les commentaires graphiques de Munch n’offrent pas au lecteur de physionomie déterminée des héros d’Ibsen, puisque celle-ci est tributaire de l’instant littéraire, la caractérisation morpho-psychologique étant pour l’artiste le principal instrument d’interprétation du texte. Pourtant - et ce n’est pas là un des moindres paradoxes de la lecture visuelle munchéenne - certains personnages présentent, quant à eux, une physionomie non seulement constante à travers une pièce en particulier, mais qui en outre réapparaît chez d’autres personnages issus de drames différents, indice que l’artiste établit ainsi des parallèles thématiques et dramatiques d’une pièce à l’autre. La diversité extrême de caractérisations à laquelle l’artiste soumet ses personnages fait cependant soupçonner que lorsqu’une physionomie s’impose de façon constante à travers diverses scènes et pièces, elle est le fruit de préoccupations particulières, directement liées au modèle choisi. Ainsi le fil conducteur du drame peut être plus ou moins mis entre parenthèses pour laisser place à des commentaires avant tout personnels ». Ainsi, si nous analysons la toile Cendre, La femme aux trois stades de son  existence et La danse de la vie, nous remarquons des similitudes avec les pièces d'Hedda Gabler et La maison de Poupée d'Henrik Ibsen.

Dans la perspective de défendre ou de démontrer l'évolution de la femme au XIXe siècle, Ibsen savait, comme Munch, le développer dans son art : « Le développement du thème de la "garçonne" au cours des Années folles rend compte de cette émancipation. Cette nouvelle femme aux mœurs et à l’allure viriles est décrite par Victor Margueritte en 1922 dans son roman du même nom ; le succès de la publication est immédiat, même si l’auteur se voit radié de la Légion d’honneur l’année suivante — signe d’une résistance masculine quasi unanime. De même, la figure de Nora, héroïne de la Maison de poupée du dramaturge norvégien Henrik Ibsen (1879), est tout à fait emblématique de ces changements: la pièce se termine par le départ de Nora du foyer conjugal auquel sa condition de femme l’a amarrée, mais que les luttes féministes du XIXeme siècle lui permettent de quitter en affirmant son refus du pouvoir masculin. En claquant la porte du domicile conjugal, Nora entre dans le XXeme siècle ». En effet, dans ses pièces La maison de poupée, créée en 1879 et d'Hedda Gabler, en 1891, Ibsen donne deux visions de la femme de son époque que nous pouvons comparer avec trois œuvres de Munch qui sont  Cendre, La femme aux trois stades de son existences et La Danse de la vie

Tout d'abord, Hedda Gabler est la fille du général Gabler. Elle épouse Jorgen Tesman qui représente un homme passif et éteint, aspirant à un poste de professeur à l'université. Au retour de son voyage de noces, Hedda apprend que ancien amant, Ejlert Lovborg abandonne ses désirs de bohème pour une vie rangée auprès de sa nouvelle conquête et épouse, Théa. Folle de jalousie, Hedda entreprend de reconquérir cet amant. En effet, depuis son arrivé, tout le passé d'Hedda ressurgit et par un accès d'hystérie, elle détruit le dernier manuscrit de Lovborg. Ce dernier, se suicide par désespoir ce qui fait prendre conscience à Hedda de la médiocrité de son mariage qui en vérité, est réduit à l'ennui et est éloigné de tous ses rêves. Hedda Gabler incarne, en effet, par excellence la figure féminine de l'époque : « Le sort de chacun est marqué du poids de l'Histoire et se traduit en histoires individuelles. Hedda Gabler, par exemple, est une femme d'un milieu social élevé, mais qui se marie en dessous de sa condition, d'où le mépris qu'elle affiche à l'égard de son mari. D'une façon générale, l'Histoire impose tôt ou tard une prise de conscience». Le critique explique le déchirement qu'une femme pouvait subir à la fin du XIXe siècle. En effet, Hedda Gabler incarne une sorte de bovarysme qui nourrit ses regrets et ses fantasmes : « Très symboliquement, ce manuscrit est consacré à l'avenir, comme le précédent l'était au passé. De désespoir Lovborg se suicide, mais elle aussi, finalement, ne pouvant plus s'accommoder de cette vie étriquée, qu'elle ressent comme une relégation, maintenant qu'elle a déchiré le voile de ses illusions ». Cette perte d'illusion se retrouve dans le tableau La femme aux trois stades de son existences. Hedda fut une femme libre épanouie comme la femme à la robe blanche mais s'est tout de même convertie à une vie maussade et retirée, comme le représente Munch avec la jeune femme endeuillée à l'extrême droite de la toile. Nous pouvons également voir les deux femmes de gauche, éclairées par l'océan  comme les rêves qu'Hedda se plait à entretenir dès l'arrivée de son ancien amant. En effet, celle-ci aimerait se sentir libre d'épanouir son corps, une chose que sa vie ne peut plus lui permettre. Dans cette même perspective, La danse avec la vie, inspire la pénible existence d'Hedda, qui incarnerait la dame en noir observant ses fantasmes ou la femme en blanc ( à l'extrême gauche du tableau ) qu'elle aurait voulu être. Ce tableau donne un miroir encadrées par deux femmes opposées l'une à l'autre, et par leur couleur et par l'espace rempli de personnages profitant de la vie comme si celle-ci était une danse légère alors que l'époque met facilement la femme à l'écart de ses rêves.  « On n'a plus affaire ici à une femme traditionnelle qui, peu à peu, se révolte contre les conventions de la bienséance conjugale, comme dans une Une maison de poupée. Hedda Gabler vient de la bonne société ». En effet, La maison de poupée vient démontrer un autre portrait, celui d'une femme qui souhaite s'émanciper de son mariage afin d'ouvrir les bras à la connaissance qu'elle n'a jamais eu l'occasion d'obtenir.

Dans de nombreuses pièces, Ibsen prend comme personnage principal une femme. De part cette forme d'expression, Ibsen montre son soutien à la cause des femmes comme il l'a fait pour Hedda Gabler et La maison de poupée « Au moment de la publication de la pièce, le public vit surtout dans une Une maison de poupée une véhémente prise de position en faveur du féminisme». Dans la pièce Une maison de poupée, nous rentrons dans la vie de l'innocente Nora qui est mariée depuis huit ans à Torvala Helmer, un directeur de banque, avec lequel elle a eu trois enfants. Suite à une grave maladie, son époux se doit de partir en Italie sous les ordres du médecin. Seulement, à cause d'une crise financière, Nora, considérée comme étant simplette, décide de faire une inscription de faux en écriture sans connaître la gravité de son acte. Celle-ci croyait ne faire que son devoir de femme. Cependant, toutes ses années, enfermées dans son mariage, Nora s'est malgré  elle rendue ignorante. Après avoir avoué son acte à Helmer, ce dernier lui accorde son pardon avec condescendance. En revanche, Nora prend conscience de son ignorance et de sa condition féminine. Cela l'amène à quitter sa famille pour partir à la découverte du monde, au grand désespoir de son époux. L'aveu de Nora de recommencer sa vie accable et surprend Helmer qui ne s'est plus comment agir face à une telle décision. Cette situation de la pièce se situe au troisième acte. Le dialogue entre Nora et Helmer fait écho avec le tableau Cendre et celui de la  femme aux trois stades de son existence d'Edward Munch.

Cendre est une scène située au bord de l'eau et pourrait être interprétée comme l'échec d'une relation amoureuse de deux personnes. Les deux personnages sont figés dans des poses d'une gestuelle expressive et comparables aux drames métaphysiques d'Ibsen. L'actualité de ce tableau tient précisément à la difficulté qu'il y a à formuler verbalement ce que ces gestes expriment exactement. Cependant, nous pouvons y voir le dialogue entre Nora et Helmer du troisième acte de la pièce. La femme de droite, qui serait Nora, a les mains posées sur sa tête, comme si celle-ci prenait conscience du triste état de son couple et de sa naïveté face à ce que le monde peut offrir. A gauche du tableau, l'homme, qui représenterait Helmer, est courbé sur lui-même en faisant dos à sa femme. Il reste immobile, mélancolique et attristé par la décision de Nora. Enfin, l'eau et la forêt qui décorent le tableau, pourraient symboliser l'immensité du monde ou sa dimension obscure que Nora ne connait pas encore. Voici l'illustration de ce tableau à travers un extrait du troisième et dernier acte de pièce en question : 


«  - HELMER. Oh ! Tu penses et tu parles comme une enfant sans intelligence.
- NORA. Peut-être. Mais toi, tu ne penses ni ne parles comme l'homme auquel je pourrais m'attacher. Lorsque ta frayeur a passé...ce n'est pas la menace qui pesait sur moi qui te faisait peur, mais les conséquences qui en découlaient pour toi... Tout étant désormais écarté, tu as fait comme si de rien n'était. J'étais ta petite alouette exactement comme avant, ta poupée, pour laquelle redoubler d'attention, puisqu'elle était si fragile et si vulnérable. (elle se lève.) Torvald... j'ai compris à ce moment-là que j'avais eu trois enfants... Oh cette pensée m'est insupportable ! J'aurais envie de me déchirer moi-même en mille morceaux. 
- HELMER, l'air accablé. Je le vois bien, je le vois bien. Un abîme s'est creusé entre nous. Mais dis-moi, Nora, n'y a-t-il pas moyen de la combler ?
- NORA. Telle que je suis actuellement, je ne suis pas une épouse pour toi.
- HELMER. J'ai la force de changer.
- NORA. Peut-être... si l'on t'enlève ta poupée.
- HELMER. Me séparer... me séparer de toi ! Non, non, Nora, je ne peux me faire à cette idée »
Par conséquent, nous observons que cette extrait de la pièce d'Ibsen ressemble fortement à la scène dramatique et expressive de Cendre. En effet, Nora, dans un accès de colère, affirme devoir quitter Helmer ce qui fait d'elle la protagoniste centrale du tableau et enfin, l'homme qui se situe radicalement à l'opposé de son épouse, viendrait représenter l'accablement d'Helmer qui contredit sans cesse les propos de sa femme qu'il considère comme un « enfant». L'œuvre des femmes aux  trois stades de son existence, peut également interpréter l'évolution de Nora qui au départ, se  soumet à son mari, comme la dernière femme à droite du tableau. Puis, peu à peu, le personnage découvre la vie et se libère des contingences de son couple, ce qui fait d'elle la jeune fille placée au-devant de l'océan. Vêtue de blanc, une couleur qui signifierait l'innocence de Nora, cette dernière s'abandonne à la conquête de la vie en se détachant de ses chaînes familiales : 

« - NORA. Écoute. Torvald... quand une femme quitte le domicile conjugal, comme je le fais maintenant, j'ai entendu que la loi dégage le mari de toutes obligations qu'il avait envers elle. En tout cas, je te dégage de toute obligation. Tu ne dois te sentir lié par rien, pas plus que moi d'ailleurs. Il faut qu'il y ait une pleine liberté d'un côté comme de l'autre. Voilà ton alliance, je te la rends. Donne moi la mienne »


Ces deux pièces d'Ibsen, Hedda Gabler et Une maison de poupée, rappellent donc un affranchissement de la femme tout comme les tableaux La femme aux trois stades de son existence et Cendre, etc. Les deux artistes défendent et interprètent à leur manière le changement provoqué par la première vague du féminisme au XIXe siècle. Le mouvement de l'expressionnisme dont fait parti Edward Munch, est la projection d'une subjectivité qui tend à déformer la réalité pour inspirer au spectateur une réaction émotionnelle. Les représentations sont souvent angoissantes et stylisent la réalité pour atteindre la plus grande intensité expressive. Celle-ci sont le reflet d'une vision pessimiste et du lourd contexte de l'époque, dont les prémices de la première guerre mondiale. La situation des femmes y apparaît et s'exprime notamment dans l'épanouissement que nous contemplons dans les « trois stades », les différents portraits de Dagny Juel ainsi que dans le tableau de la Madone. 


3) Une vision expressive du rapport d' Edvard Munch à la femme :


La fresque de la vie est tout d'abord un poème pictural à l'amour, la vie et la mort. L'aspiration inlassable de Munch était d'engendrer tous les aspects de la vie humaine, comme un miroir sur le monde. L'inspiration des œuvres d'Ibsen ou bien celle qu'il trouve dans l'existence de Dagny Juel peuvent expliquer sa vision innovante de la femme. La dimension singulière qu'il donne à la Madone indique, non pas le thème récurrent religieux de la Vierge tenant le petit Jésus dans ses bras, mais au contraire, Munch peint une femme nue avec le corps épanouie, tout comme la deuxième figure des « trois stades ». En revanche, le peintre lui laisse son auréole, ce qui reste un signe de pureté malgré son affranchissement de tous les lieux communs religieux. En effet, Munch démontre la femme comme une figure centrale. Son amitié avec Dagny Juel ainsi que les rapprochements que nous avons établi précédemment avec les œuvres dramatiques d'Ibsen peuvent venir expliquer cette vision de la femme. 

Dans le rapport immanent qu'un récepteur peut avoir à une œuvre, le critique Gérard Genette écrit : « Pour revenir à la question du régime d'immanence des œuvres conceptuelles, puisque le fonctionnement conceptuel d'une œuvre est toujours en partie attentionnel, c'est-à-dire dépend toujours du type d'attention que lui porte son récepteur, cette question doit être maintenant formulée en ces nouveaux termes : quel est le régime d'immanence d'une œuvre (quelle qu'elle soit) pour qui la reçoit (légitimement ou non) comme conceptuelle ?». L'immanence qui est selon le dictionnaire philosophique : « (n. f.). Étym. : latin immanere « demeurer en ». Sens ordinaire : caractère de ce qui est immanent (ex : « l'immanence des lois de la  nature » pour les sciences modernes). Métaphysique : par opposition à transcendance qui est d'une nature supérieure et radicalement différente et séparée du monde sensible, l'immanence est la théorie selon laquelle le monde réel n'est pas réglé par un principe supérieur, distinct et séparé, mais constitue une substance auto-suffisante : l'absolu est alors immanent au monde ». En effet, si nous percevons l'œuvre de Munch dans une perspective d'immanence, nous observons que son point de vue sur la femme dépend du contexte historique dans lequel il peignait ses tableaux. Par exemple, suite aux réformes de la première vague du féminisme en Norvège, qui se situe vers la fin du XIXe siècle, de nouvelles lois sont votées par Christian V, comme le partage de l'héritage, la majorité à vingt-cinq ans et le droit au travail. Mais c'est surtout à travers la littérature que les femmes vont s'exprimer. En particulier, Camilla Collett qui est la première romancière qui sort du cadre dans lequel s'est tenue la littérature féminine et dont le célèbre roman Les filles du préfets (1855) traite de l'éducation bourgeoise des femmes au XIXe siècle ainsi que le conflit entre la norme, les conventions de la société et les sentiments de l'individu. Entre 1879 et 1890,  les artistes prenant fait et cause pour les femmes, vont se réclamer de Camilla Collett et vont ensuite participer à  donner vie à la première vague du féminisme norvégien. C'est à cette époque que la Norvège compte parmi ses plus grands écrivains que l'on a appelé « Les quatre Grands », à savoir Henrick Ibsen, Bjornstjerne Bjornson, Alexander Kieland et Jonas Lie. Pour ces derniers, il va s'agir de défendre les individus opprimés de l'époque, dont la femme fait partie. En effet, celle-ci reçoit une éducation primaire dont le seule but est le mariage, elle est maintenue dans l'incapacité de profiter de ses facultés intellectuelles et elle ne peut pas disposer librement de sa vie et de son corps. Enfin, c'est plus particulièrement à travers Une maison de poupée75 qu'Ibsen prendra fait et cause pour les femmes. Après ces luttes continuelles, plusieurs femmes parviennent à obtenir le droit à la majorité puis à l'expérimentation de la vie de bohème surtout lorsque ces dernières s'entouraient d'artistes comme l'a fait Dagny Juel. Cette dernière appartenait également à ce combat de part ses activités d'écrivain et ses fréquentations dont le peintre Edvard munch faisait partie. En effet, Munch lui consacra un portrait exclusif : Dagny Juel Prybyszewski. De plus, nous pouvons observer sa présence dans La femme aux trois stades de son existence, qui serait la troisième femme du tableau car cette dernière ressemble étrangement au portrait fait de Dagny par Munch.  Comme nous l'avons vu précédemment, Dagny représentait elle aussi l'affranchissement de la femme ce qui fascinait le peintre. Étant dans l'incapacité d'avoué ses sentiments, Munch exprime dans l'existence de ces trois femmes, ses désirs, ses expériences et ses déceptions. Ainsi, si nous percevons la peinture de Munch comme lui étant personnelle ou bien comme une représentation de faits historiques, la femme tient une place centrale dans son œuvre. Pendant qu'Ibsen écrit la situation de la femme,  Munch la peint. Le peintre la présente comme un sujet libre avec La Madone, comme une figure qui tend à l'évolution, La femme aux trois stades de son existence, puis comme déchirée par sa condition, Cendre et La danse de la vie. Le caractère immanent à la peinture de Munch ou en d'autres termes ce qui demeure intrinsèquement dans ses œuvres, exprime par conséquent son opinion sur la cause féminine. Cependant, sa peinture transgresse aussi les mœurs grâce à l'aspect quasiment provocateur de la madone et les femmes représentées dans les « trois stades ». De plus, afin d'ajouter un dernier exemple à notre propos, le tableau de La Puberté indique une nouvelle fois un intérêt pour les débuts de la féminité. En effet, la puberté est l'âge de la transition difficile entre l'enfance et l'existence adulte. Les yeux écarquillés de la jeune fille, ainsi que le fait qu'elle croise les bras dans un geste de pudeur, tout ce langage du corps donne une idée de ce que représente pour la femme l'éveil de la sexualité et le fait de sentir livrée sans défense à un avenir inconnu. Avant d'exprimer librement son corps comme le fait la madone, Munch, qui reste toujours dans son objectif de tenter « à aider d'autres gens à se comprendre», montre également la complexité du premier stade de la féminité, une chose qui demeurait tabou à son époque. 

Par conséquent, le point de vue de l'artiste Edvard Munch tisse un lien avec sa propre histoire puis avec l'histoire de son époque. D'après l'œuvre critique "Texte, image, Imaginaire", rédigée sous la direction de Jean-Louis Tilleuil et Myriam Watthee-Delmotte, depuis que l'homme fonde son histoire, texte et image entretiennent des relations de proximité : « Cette diversité nous prouve en effet que ce n'étaient pas les valeurs propres à chacune de ces figures qui avaient le plus d'importance, mais le fait que leur association les rendait créatrices de sens, un sens qui tenait aux intervalles les enchaînant l'une à l'autre. L'intervalle attire les interrogations, crée une syntaxe, en provoquant chez le spectateur le sentiment d'une énigme dont la solution serait imminente, mais lui échapperait toujours ». En effet, la création du sens d'une œuvre dépend de son histoire ou du texte qui est susceptible de l'accompagner. Grâce aux pièces d'Ibsen, le récepteur peut voir dans le tableau Cendre une scène dramatique conjugale entre Nora et Helmer, ou avec la peinture de La danse de la vie, nous pouvons imaginer la jalousie et les fantasmes d'Hedda Gabler. Enfin, le contexte de la première vague du féminisme vient apporter un sens à l'épanouissement de la madone ou à l'évolution représentée dans La femme aux trois stades de son existence


Conclusion :


La peinture d'Edvard Munch offre de multiples interprétations. La dimension mélancolique de ses œuvres est régulièrement traitée et étudiée. Hormis cette analyse, nous percevons aussi chez ce peintre une perception singulière de la femme visant à défendre sa cause durant la première vague du féminisme en Norvège. Le portrait de Dagny Juel Prybyszewska que l'on retrouve dans la  femme aux trois stades de son existence affirme cet affranchissement de la femme durant la fin du XIXe siècle ainsi que sa transformation et son évolution. En effet, nous voyons dans les « trois stades » une femme soumise et endeuillée à l'extrême droite du tableau, puis comme figure centrale, le portrait de Dagny qui se transforme en une femme nue et épanouie exhibant son corps tout en scrutant le récepteur. La dernière figure est une jeune fille vêtue de blanc, un symbole de pureté qui contraste avec la nudité de sa voisine, qui s'avance vers l'océan ou vers l'avenir. Cette jeune fille représentant la liberté, pourrait rejoindre l'affranchissement de Nora dans Une maison de poupée. Cette pièce rédigée par Henrick Ibsen vient aussi défendre la condition féminine. Le tableau Cendre, qui peint une scène dramatique entre un homme et une femme, pourrait également s'appliquer au dialogue du troisième acte qui oppose Helmer et Nora. De plus, La danse de la vie peut être une des lectures picturales d'Hedda Gabler, aussi rédigée par Ibsen. La femme en noir à droite du tableau, regarde avec envie et jalousie l'animation joyeuse qui l'entoure et l'oppose à ce qu'elle était dans son passé c'est-à-dire la jeune fille vêtue de blanc à l'extrême gauche du tableau.

S'inscrivant dans le mouvement de l'expressionnisme, Edward Munch exprime la transformation de la femme dans sa "Fresque de la vie".  Si nous nous référons au contexte historique de ses peintures, nous comprenons sa vision provocante de la madone ainsi que sa représentation de La Puberté et de La femme aux trois stades de son existence. Le principe d'immanence qu'exprime Genette, dans chaque œuvre fait exister une cohérence avec son histoire  : « De ce qui précède, il suit pour moi que l'état conceptuel dépend et procède d'une opération mentale (consciente ou non) qui consiste à réduire l'objet ou l’événement, sous les espèces duquel se présente l'œuvre, à l'acte de présenter cet objet ou cet événement comme une œuvre, et cet acte lui-même à son « concept », objet évidemment idéal, et capable de prescrire d'autres objets ou événements que l'on tiendra à cet égard pour identiques ou équivalents ». Ainsi, les peintures de Munch nous conduisent vers son histoire avec Dagny Juel et aux premiers événements de la vague du féminisme norvégienne. Enfin, son étroite relation avec l'écrivain Ibsen, établie un lien entre le texte et les images picturales qui viennent illustrer les scènes dramatiques théâtrales : « Si une image semble raconter une histoire, c'est toujours par le biais, ou par surcroît, ou parce que ses propres jeux d' « onguements », pour reprendre le mot de Mallarmé, d'ombres et de couleurs, apportent à cette histoire une dimension d'une nature qui relève, chez les grands artistes, de la métamorphoses pures et simples». Par conséquence, en tant que récepteur de la peinture d'Edward Munch, nous trouvons des correspondances avec sa condition d'homme et l'histoire en général, puis, des dialogues avec la littérature exprimés par la peinture de l'artiste.


Blas Priscille  (La Note blanche)


Illustrations :



Résultat de recherche d'images pour "Edvard Munch, Cendre, huile sur toile, 120. 5 x 141 cm, Oslo Nasjonalgalleriet, 1894."
Edvard Munch, Cendre,huile sur toile, 120. 5 x 141 cm, Oslo Nasjonalgalleriet, 1894.

Résultat de recherche d'images pour "Edvard Munch, Ibsen at the Grand Cafe,  The Munch Museum, 1898."

Edvard Munch, Ibsen at the Grand Cafe, 

The Munch Museum, 1898

Résultat de recherche d'images pour "Edvard Munch, La Danse de la vie,"

Edvard Munch, La Danse de la vie, 

huile sur toile, 125. 5 x 190. 5 cm, Oslo Nasjonalgalleriet, 1899/1899.



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Edvard Munch, La Femme aux trois stades de son existence (Sphinx), 

Huile sur toile, 164 x 250 cm, Bergsen, Collection Rasmus Meyer, 1894.



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Edvard Munch, Dagny Juel Prybyszewska, 
148. 5 x 99. 5 cm, The Munch Museum, 1893




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 Edvard Munch, La Madone,
 huile sur toile, 91 x 70.5 cm, Oslo, Nasjonalgalleriet, 1894/95.

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Edvard Munch, La Puberté, 

huile sur toile, 151, 5 x 110 cm, Oslo, Nasjonalgalleriet, 1894



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Edvard Munch, Le Cri, 

huile détrempée et pastel sur carton, 91 x 73, 5 cm, Oslo, Nasjonalgalleriet, 1893.



Bibliographie :

- ULRICH Bischoff, Edward Munch (1863-1944), Des images de vie et de mort, trad. fr. Lemonier Anne, Cologne, Benedikt Taschen, 1990. - IBSEN Henrick, Hedda Gabler, trad. fr. Terje Sinding, Paris, Le Livre de poche, 1994. -IBSEN Henrick, La Maison de poupée, trad. fr. Marc Auchet, Paris, Le Livre de poche, 1990. - ENCARTA Encyclopédie, La Naissance et la définition du féminisme, [en ligne], http://1libertaire.free.fr/FemmesEncarta.html. - KAY NORSENG Mary, Dagny Juel Prybyszewska, Washington, University of Washington, 1991. - DION Robert et LEPAGE Mahigan, Portraits biographiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009. - JUNILLON Ingrid, Le théâtre d'Henrick Ibsen dans l'oeuvre d'Edvard Munch : scénographie, « illustration » et « variations graphiques », [en ligne], http://theses.univlyon2.fr/documents/lyon2/2001/junillon_i/info. - GENETTE Gérard, L'œuvre d'art, Immanence et transcendance, Paris, Seuil, 1994. - CLEMENT Elisabeth, Chantal DEMONQUE, Laurence HANSEN-LOVE, Pierre KAHN, "La philosophie de A à Z", Paris, Hatier, 2000 - TILLEUIL Jean-Louis et WATTHEE-DELMOTTE Myriam, Texte, Image, Imaginaire, Paris, L'Harmattan, 2007.