19 oct. 2015

L'Eden et après, de Alain-Robbe-Grillet (1970)

Synopsis :

 

L'éden et après
Des étudiants ont l’habitude de se réunir dans le vaste café L’Eden à l’esthétique moderne, où les parois sont faites de verre ou de murs de couleur. Pour tromper l’ennui, ils organisent des jeux érotiques ou faussement violents. Un bel homme, qui dit revenir d’Afrique, va leur proposer de nouvelles expériences hallucinatoires… L’Eden et après est le quatrième long métrage d’Alain Robbe-Grillet. Il en a bien entendu écrit le scénario. Il nous propose là une sorte de voyage, un rêve éveillé, qui va nous faire suivre une jeune fille dans ses aventures dans le désert tunisien. Alain Robbe-Grillet casse les codes narratifs classiques, pour offrir une histoire pleine de miroirs et de faux-semblants, avec des personnages doubles et une logique d’enchaînements plus proche du rêve que de la réalité. Le film devient rapidement fascinant, les images sont de toute beauté, Alain Robbe-Grillet jouant joliment avec les décors et les couleurs, ou profitant des lignes épurées et lumineuses des maisons de l’île de Djerba. Il a aussi pimenté l’ensemble d’un érotisme très libéré, ses belles héroïnes, sa muse, Catherine Jourdan et ses fantasmes qui apparaissent ici et là… L’ensemble est assez envoûtant.


Date de reprise :  6 novembre 2013
Date de sortie:  20 avril 1970 (1h 38min)
De :  Alain Robbe-Grillet
Avec :  Catherine Jourdan, Pierre Zimmer, Richard Leduc 
Genres :  Comédie dramatique, Fantastique, psychédélique
Nationalités :  Tchécoslovaque, Français

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L'Eden et après, Molly Nisson "Poisoned Candy" :




Galerie :


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Blas P. (La Note blanche)


L'Eden et après, film streaming (lien) : http://www.streamcomplet.eu/streaming-leden-et-apres.php

15 oct. 2015

Spleen, Baudelaire (1857)


LXXVIII - Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l'horizon embrassant tout le cercle
II nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l'Espérance, comme une chauve-souris,
S'en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D'une vaste prison imite les barreaux,
Et qu'un peuple muet d'infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.
- Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l'Espoir,
Vaincu, pleure, et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

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Les Fleurs du mal, Odile Redon























Les Métamorphoses du vampire

La femme cependant, de sa bouche de fraise,
En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,
Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,
Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc :
" Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science
De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.
Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,
Et fais rire les vieux du rire des enfants.
Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,
La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !
Je suis, mon cher savant, si docte aux Voluptés,
Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,
Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,
Timide et libertine, et fragile et robuste,
Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,
Les anges impuissants se damneraient pour moi ! "

Quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,
Et que languissamment je me tournai vers elle
Pour lui rendre un baiser d'amour, je ne vis plus
Qu'une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus !
Je fermai les deux yeux, dans ma froide épouvante,
Et quand je les rouvris à la clarté vivante,
A mes côtés, au lieu du mannequin puissant
Qui semblait avoir fait provision de sang,
Tremblaient confusément des débris de squelette,
Qui d'eux-mêmes rendaient le cri d'une girouette
Ou d'une enseigne, au bout d'une tringle de fer,
Que balance le vent pendant les nuits d'hiver. 


 Charles Baudelaire - Les Fleurs du mal

La Mort de Mara, E. Munch (1907)








Les Chats

Les amoureux fervents et les savants austères
Aiment également, dans leur mûre saison,
Les chats puissants et doux, orgueil de la maison,
Qui comme eux sont frileux et comme eux sédentaires

Amis de la science et de la volupté
Ils cherchent le silence et l'horreur des ténèbres;
L'Erèbe les eût pris pour ses coursiers funèbres,
S'ils pouvaient au servage incliner leur fierté.

Ils prennent en songeant les nobles attitudes
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes,
Qui semblent s'endormir dans un rêve sans fin;

Leurs reins féconds sont plein d'étincelles magiques
Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin,
Étoilent vaguement leurs prunelles mystiques.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

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L'Albatros

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

Charles Baudelaire Les Fleurs du mal


Albatros - Baudelaire

7 oct. 2015

Boyd Rice ...


Do you ever think about
what a lovely place the world would be
without all the people
that make life so unpleasant?

All the small, petty people
All the ugly, annoying people
It's hard not to think about it

I like to think about
what could be
done to these people
Something cruel
Something mean
Something just
But the meaner the better
Goodness knows they deserve it

Have you ever dreamed of
killing all the stupid people?
Not just the unintelligent people
but the sort that don't know anything about anything
but seem to have opinions about everything
They're only too ready to offer their advice about
how to run your life
And yet look at how they run their own lives
For the most part they've accomplished nothing
They've contributed nothing
Their lives are miserable
But they TALK,TALK,TALK,
At the very least their tongues should be cut out
At the very least ...



Let the Blackbirds kiss Me 
My Rhine Atrocity 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 
My carcass beauty 

Time lost is never regained 
Time lost is never the same 

Of Pure Heart 
Of Pure Hound 
Too few, too many 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 

Time lost is never regained 
Time lost is never the same 

Oh, let the Blackbirds kiss Me 
Let the Blackbirds kiss Me 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 
My Rhine Atrocity 

Something of the terror 
It's in Our Blood 
So, let the Storm Flower flow 
Nectar from above 
I hold you in contempt 
Like a guilty dog 
My Rhine barbarity 
Shrouded in secrecy 

Time lost is never regained 
Time lost is never the same 

Let the Blackbirds kiss Me 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 
Let the Blackbirds kiss Me 
My Rhine Atrocity 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 
Let the Blackbirds kiss Me 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 
My carrion trophy 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 
Let the Blackbirds kiss Me 
Oh, let the Blackbirds kiss Me 
My Rhine Atrocity,........



"You love the sun, don’t you? - Yes, sun. And the moon and the stars… And the sea? - Yes, the sea. Guess I love the sea the most of all, but I’m afraid of it too. Guess we’re all a little afraid of what we love....."

 


"Get used to saying no 
Turn your back on the deceiver 
Whose whispers in your ear complicate your life 
Willpower, energy, example
What has to be done is done
Without wavering
Without worrying about what others think
Let obstacles only make you bigger
Get rid of those useless thoughts
Which are at best a waste of time
Don't waste your energy and your time
Throwing stones at the dogs that bark at you on the way
Ignore them
Don't put off your work until tomorrow
Don't succumb to that disease of character
Whose symptoms are a general lack of seriousness
Unsteadiness in action and speech
Foolishness
In a word: frivolity
If you clash with the character of one person or another
It has to be that way
You're not a dollar bill to be liked by everyone
If your character and that of those around you
Were soft and sweet like marshmallows
You would never become the person destiny's ordained
Don't stop to think about excuses
Get rid of them, and do what you should
You say you can't do more?
Couldn't it be, that you can't do less?
You never want to get to the bottom of things
At times because of politeness
Other times -- most times -- because you fear hurting yourself
Sometimes, again, because you fear hurting others
But always because of fear
With that fear of digging for the truth
You'll never be a man of good judgment
Don't be afraid of the truth
Even though the truth may mean your death"


Boyd Rice/"NON", Site officiel: http://www.boydrice.com/

6 oct. 2015

Lettre d’H.P. Lovecraft à Sonia

Howard Phillips Lovecraft ( 20 août 1890 – 15 mars 1937 ) est considéré comme un maître de la littérature fantastique et horrifique du 20ème siècle notamment par le grand auteur de ce genre, Stephen King. Fasciné par Edgar Allan Poe, Lovecraft va construire un univers effrayant rempli de pessimisme et de cynisme, remettant en question l’héritage des Lumières ou l’humanisme chrétien. Le maître de l’horreur s’exprime dans cette lettre sur les différences entre l’amour de jeunesse et l’amour mûr.

lovecraft
"Aucun homme, aucune femme pondérés n'espèrent 
une exaltation physique aussi extraordinaire".


L’amour réciproque d’un homme et d’une femme est une expérience d’imagination qui consiste à attribuer à son objet une certaine relation particulière avec la vie esthético-émotionnelle de celui qui l’éprouve… […] La jeunesse apporte avec elle des stimuli érogènes et imaginaires liés aux phénomènes tactiles de corps minces, aux attitudes virginales et à l’imagerie des contours esthétiques classiques, symbolisant une sorte de fraîcheur et d’immaturité printanières très belles mais qui n’ont rien à voir avec l’amour conjugal.

Aucun homme, aucune femme pondérés n’espèrent une exaltation physique aussi extraordinaire, sauf pour une brève période et durant son extrême jeunesse ; et toute personne de qualité transférera rapidement ses besoins psychiques dans d’autres domaines à l’approche de l’âge mûr ; les autres formes de stimulation signifient bien plus que le sexe pour de telles personnes, ce qui explique pourquoi elles ne lui accordent plus avoir que des pensées passagères.

Lettre de Marcel Proust à Reynaldo Hahn

C’est dans un salon parisien que Reynaldo Hahn fait la connaissance de Marcel Proust, alors qu’il chante ses mélodies en s’accompagnant au piano. Ils deviennent alors amants jusqu’en 1896 puis puis préserveront leur amitié jusqu’à la mort de l’écrivain. Emmanuel Berl écrira ceci : « Reynaldo Hahn a été sans doute un des êtres que Proust a le plus aimés. Quiconque a pu approcher un tant soit peu Reynaldo Hahn le comprend sans peine. Sa conversation avait un grand charme qui ne tenait pas seulement à son talent de musicien et de chanteur, mais à l’étendue de sa culture, à son usage du monde, à un enthousiasme généreux et narquois, dont on subissait aussitôt la contagion, à une disponibilité qui est à la fois un attribut de l’intelligence et une forme de la bonté ». Retour épistolaire sur une relation tendre et tourmentée avec une lettre datant de l’année de leur séparation.

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"Vous ne m'aimez plus du tout et de cela je ne peux pas vous en vouloir".


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1896

Notre amitié n’a plus le droit de rien dire ici, elle n’est pas assez forte pour cela maintenant. Mais son passé me crée le devoir de ne pas commettre des actes aussi stupides aussi méchants et aussi lâches sans tâcher de réveiller votre conscience et de vous le faire sinon avouer — puisque votre orgueil vous le défend — au moins sentir, ce qui pour votre bien est l’utile. Quand vous m’avez dit que vous restiez à souper ce n’est pas la première preuve d’indifférence que vous me donniez. Mais quand deux heures après, après nous être parlé gentiment, après toute la diversion de vos plaisirs musicaux, sans colère, froidement, vous m’avez dit que vous ne reviendriez pas avec moi, c’est la première preuve de méchanceté que vous m’ayez donné [sic]. Vous aviez facilement sacrifié, comme bien d’autres fois, le désir de me faire plaisir, à votre plaisir qui était de rester à souper. Mais vous l’avez sacrifié à votre orgueil qui était de ne pas paraître désirer rester à souper.

Et comme c’était un dur sacrifice, et que j’en étais la cause, vous avez voulu me le faire chèrement payer. Je dois dire que vous avez pleinement réussi. Mais vous agissez en tout cela comme un insensé. Vous me disiez ce soir que je me repentirais un jour de ce que je vous avais demandé. Je suis loin de vous dire la même chose. Je ne souhaite pas que vous vous repentiez de rien, parce que je ne souhaite pas que vous ayez de la peine, par moi surtout. Mais si je ne le souhaite pas, j’en suis presque sûr.

Malheureux, vous ne comprenez donc pas ces luttes de tous les jours et de tous les soirs où la seule crainte de vous faire de la peine m’arrête. Et vous ne comprenez pas que, malgré moi, quand ce sera l’image d’un Reynaldo qui depuis q.q. temps ne craint plus jamais de me faire de la peine, même le soir, en nous quittant, quand ce sera cette image qui reviendra, je n’aurai plus d’obstacle à opposer à mes désirs et que rien ne pourra plus m’arrêter. Vous ne sentez pas le chemin effrayant que tout cela a fait depuis q.q. temps que je sens combien je suis devenu peu pour vous, non par vengeance, ou rancune, vous pensez que non, n’est-ce pas, et je n’ai pas besoin de vous le dire, mais inconsciemment, parce que ma grande raison d’agit disparaît peu à peu.

Tout aux remords de tant de mauvaises pensées, de tant de aurais et bien lâches projets je serai bien loin de dire que je vaux mieux que vous. Mais au moins au moment même, quand je n’étais pas loin de vous et sous l’empire d’une suggestion quelconque je n’ai jamais hésité entre ce qui pouvait vous faire de la peine et le contraire. Et si q.q. chose m’en faisait et était pour vous un plaisir sérieux comme Reviers, je n’ai jamais hésité.

Pour le reste je ne regrette rien de ce que j’ai fait. J’en arrive à souhaiter que le désir de me faire plaisir ne fut pour rien, fut nul en vous. Sans cela pour que de pareilles misères auxquelles vous êtes plus attaché que vous ne croyez aient pu si souvent l’emporter il faudrait qu’elles aient sur vous un empire que je ne crois pas. Tout cela ne serait que faiblesse, orgueil et pose pour la force. Aussi je ne crois pas tout cela, je crois seulement que de même façon que je vous aime beaucoup moins, vous ne m’aimez plus du tout, et [de ] cela mon cher petit Reynaldo je ne peux pas vous en vouloir.

Et cela ne change rien pour le moment et ne m’empêche pas de vous dire que je vous aime bien tout de même.

Votre petit Marcel étonné malgré tout de voir à ce point —

Que peu de temps suffit à changer toutes choses

et que cela ira de plus en plus vite. Réfléchissez sur tout cela mon petit Blaise et si cela nourrit votre pensée de poète et votre génie de musicien, j’aurai du moins la douceur de penser que je ne vous ai pas [été] inutile […]

Marcel