2 mai 2019

"The Ultimate Experience" en podcast dans la Note blanche ...

La Note blanche est de retour sur les ondes pour de nouvelles aventures musicales ! Grande surprise pour cette nouvelle émission puisque nous allons parler et surtout écouter Jimi Hendrix! Nous nous consacrerons et rendrons hommage au grand prodige de la guitare électrique. Commençons par le commencement. Nous irons à la source du talent du guitariste en racontant l'histoire de sa vie …


Ecoutez le podcast de l'émission en cliquant sur les liens ci-dessous:



Tout d'abord,  Jimi Hendrix est né à Seattle le 27 novembre 1942. Il avait du sang Cherokee du côté de sa mère et du sang noir du côté de son père. A sa naissance , celui- ci était à l’armée. Sa mère le baptisa John Allen Hendrix. Elle eut des problèmes de santé assez importants et le petit John (Jimi) fut placé dans des familles d’adoption. Son père revint de l’armée en 1945, il retrouva Jimi dans une famille en Californie et le ramena à Seattle.  Son père décida de rebaptiser son garçon James Marshall Hendrix, en souvenir de son frère décédé dans les années 20. Jimi eu un frère de cette union, Léon, né en 1948. Cependant le mariage de ses parents ne marchait pas et ils divorcèrent en décembre 1951. Le père avait des soucis pour trouver du travail dans un marché rendu difficile par la démobilisation, faute de moyens décents, il dut se résoudre à envoyer ses deux enfants vivre chez leur tante à Vancouver où ils passèrent deux ans. Les deux garçons rejoignirent leur père quand sa situation financière fut meilleure en 1955. A 13 ans, Jimi s’acheta sa première guitare électrique (le modèle le moins cher). Jimi était gaucher, il dut inverser les cordes ce qu’il fit d’ailleurs pendant toute sa vie même quand il disposait de modèles pour gaucher. A partir de ce moment là , il passa tout son temps libre avec sa guitare … et sa radio. Chaque nuit, dans sa chambre , Jimi jouait sur les airs de la radio, car son père n’avait pas les moyens de lui payer des cours. Il se mit à jouer dans un groupe du lycée  » les Rocking Kings ». Avant de continuer l’histoire d’Hendrix, nous ferons nos premiers pas vers les notes du génie. Pour débuter cette première session, nous écouterons des titres phares comme «All along The Wachtower » et « Foxy lady » extraits de l’album The Ultimate Experience sorti en 1992 sur le label Polydor !

C’est parti pur une expérience purement musicale et cosmique grâce au génie de Jimi Hendrix dans la Note blanche ...


Après avoir plongé dans le monde de la musique grâce à guitare et sa radio, en 1960, âgé de 17 ans, Jimi abandonne ses études. En mai 1960, il s'engage dans l'armée pour devenir membre des Screaming Eagles, la division parachutiste de la 101ème troupe aéroportée. Il était tellement décidé à changer de vie qu'il n'avait même pas emmené sa guitare avec lui. Hendrix était basé à Fort Campbell dans le Kentucky. C'était la première fois qu'il était dans les États du Sud où les radios passaient évidemment beaucoup de blues et de rythme blues du Sud. Ce qui ne tarda pas à stimuler l'imagination de Jimi. Il écrivit à son père, je cite: "Ne t'en fais pas et quand tu me reverras, je porterai l'insigne de la fierté sur mon uniforme. Sois gentil de m'envoyer ma guitare dès que tu peux..." Ce fut une période difficile pour l'artiste: les autres paras trouvaient Jimi étrange, et il se mit à dormir avec sa guitare. On se moquait de lui, on l'embêtait,ou pire encore, on lui volait sa guitare. Il passait l'essentiel de son temps libre à Nashville qui n'était pas très éloignée,et il traînait dans les nombreux clubs de musique de la ville. J’interromps l'histoire pour laisser place à la musique ! Nous enchaînerons avec, une nouvelles fois, des titre incontournables « Are you experienced », Hey Joe » que nous ne connaissons que trop bien mais qu'est ce que c'est bon de l'entendre encore encore ! Puis je poursuivrai avec le morceau « Highway Chile ». Ces trois titres sont extraits de l'album « Are you experienced » sorti en 1967 sur le label Track Records !

Nous continuons l'hommage à Jimi Hendrix en musique dans la Note blanche ...


Suite aux moqueries et aux difficultés que provoquait sa passion, à la fin de l'année 1961, Hendrix rencontre un autre jeune militaire appelé Billy Cox, un musicien bassiste, avec lequel il forme un groupe : "The King Cusuals" qui jouait aussi bien dans les salles de l'armée que dans les clubs extérieurs. Durant l'été 1962 Hendrix se casse la cheville et se blesse au dos au cours de son 26eme saut de parachute. Il est reformé suite à ses blessures. Cox quittera l'armée quelques mois plus tard et nos deux compères se retrouveront ensemble à Nashville. Passionné par la guitare, Jimi dépannait tous les groupes possibles, rentrait dans toutes les galères pour commencer à se faire connaître.Les contrats étaient durs à trouver. Entre 1962 et son arrivée à New York en 1964, Hendrix réussit à travailler avec des musiciens et chanteurs comme Little Richard, Sam Cooke, B.B. King . Jimi restera longtemps avec Little Richard, aussi bien pour des concerts que pour des séances de studio. L'influence qu'il exerça sur le jeune guitariste est indéniable. L'extravagance du chanteura du impressionner Hendrix. Plus tard, en arrivant en Angleterre, celui-ci dira: "Je veux faire avec ma guitare ce que fait Little Richard avec sa voix." Jimi s'installa à Greenwich Villlage. Jimi se trouvait au milieu d'une grande diversité musicale et il subit l'influence des groupes Beat Anglais, du New Jazz de John Coltrane et d' Ornette Coleman et des textes de Bob Dylan. C'est à cette époque-là qu'il commença à se droguer. En 1966 après son dernier concert en temps qu'accompagnateur du saxophoniste King Curtis, Hendrix monte son propre groupe et décide de chanter pour la première fois. Le groupe s'appelait Jimi James & the Blue Flames. On commençait à parler de cet incroyable guitariste noir qui jouait de la guitare derrière sa tête ou son dos, entre ses jambes, et même avec ses dents. Ça ne ressemblait à rien d'autre qu'à un bruit éclatant qui bouleversait toutes les notions connues de la musique électrique. Et chaque soir le public était en état de choc ! Par conséquent, je compte bien vous mettre dans ce même état de choc, grâce à la magie des titres « Voodoo Chile » sorti en 1967 sur le label Track Records,  et «Burning of the midnight lamp   sorti en 1992 sur le label Polydor !

La Note blanche vous laisse en compagnie des sonorités brûlantes de la guitare de Jimi Hendrix ...


Un jour, sous la recommandation d'un ami, Chas Chandler, ancien bassiste des Animals, est venu écouter. Chandler fut époustouflé : dès la fin du spectacle, il offrit un contrat à Hendrix et l'invita à Londres. Quelques heures suffirent à celui-ci pour prendre la plus importante décision de sa vie. La percée semblait bien être au bout de ces 5 années de travail. Il aurait aimé emmener avec lui son ami Billy Cox, mais celui-ci était sans le sou, incapable même de payer son ticket de bus pour rejoindre Jimi à New- York. Le 24 septembre 1966 Jimi Hendrix arriva à Londres avec à la main une seule valise et sa guitare. Au cours du vol de New York à Londres, Chandler et lui avaient décidé de changer l'orthographe de son nom en Jimi, ainsi ce serait plus facile à retenir, se disaient-ils. Après deux semaines de présentation à Londres, Hendrix devint une valeur montante . Mais il lui restait à former un groupe...Hendrix mit sur pied un trio avec Mitch Mitchell à la batterie et Noel Redding à la basse: "The Jimi Hendrix Experience" était né. La semaine suivant sa création, le groupe joua en France pour quatre concerts, en première partie de Johnny Hallyday qui avait invité Hendrix à l'Olympia. La chanson "Hey Joe" sortit en 1966 et occupa les premières places des chartes anglais. Suivent ensuite les chansons "Stone Free" et "Purple Haze" qui occupent aussi le haut des charts. Lors de la tournée du Jimi Hendrix Experience au Finsbury Park Astoria à Londres, Hendrix éclipse carrément le reste de l'affiche en faisant monter l'ambiance avec quelques feux d'artifices. Au milieu de la dernière chanson "Fire", il asperge sa guitare d'alcool à brûler avant de l'enflammer. Le lendemain Jimi faisait la une des journaux. En moins de six mois ,il était devenu la star à sensations en Angleterre. Sa crinière afro, ses vêtements incroyablement bigarrés changeaient des cheveux gominés et du costume deux- pièces des Beatles. Le succès du groupe avaient traversé l'Atlantique. En juin, le groupe se rend en Californie pour le festival de Monterey, un concert-pop en plein air. Le groupe fut le clou de la soirée jouant des hit anglais plus quelques titres de Howlin' Wolf et Bob Dylan. Comme à Londres quelques mois auparavant, Hendrix brûla sa guitare pour le final avant de la fracasser sur la scène. Le nom de Jimi Hendrix est dorénavant sur toutes les lèvres. Cependant la tournée américaine tournera court et le groupe retournera en Angleterre fin août. C'est avec une grande excitation que je diffuserai les titres « Purple haze » et « Fire » extraits de l'album « Are you experienced » sorti en 1967 sur le label Track Records !

A vos marques, prêts ? Décollez grâce à Jimi hendrix dans la Note blanche ...


Fin 1967, The Jimi Hendrix Experience sort un nouvel album : "Axis: Bold As Love". Les audaces musicales s'ajoutent à une grande richesse d'écriture. Hendrix était incontestablement influencé par le style de Bob Dylan, on y retrouve malgré tout la qualité d'expression de blues dans toute sa pureté. En février 1968 le groupe retourne aux Etats-Unis pour jouer en vedette dans des salles de concerts et des stades. "Are You Experienced?" composé en 1967 s'y était déjà vendu à plus d'un million d'exemplaires. The Jimi Hendrix Experience était un des plus grands groupes de concerts. Leur passage le 12 février dans le stade de la ville d'origine de Jimi (Seattle) fut un véritable triomphe. Quelques semaines plus tard , Hendrix se retrouve installé à New York. Il se sentait de plus en plus limité par la petite structure du groupe. Il avait envie de jouer avec d'autres musiciens et de pousser ses idées vers de nouvelles directions. C'est avec le big smile que je vous passerai le morceau « Bold as love », traduction « Audacieux comme l'amour » ! Ce titre est donc sorti en 1967 sur le label Track Records ! Ensuite nous écouterons une version d' « Angel » et enfin, nous écouterons « Castles Made of Sand » extrait de « The Ultimate Experience » sorti en 1995 sur le label Polydor !

Soyons aussi audacieux que la musique dans la Note blanche ...


En août 1969, Jimi Hendrix participe au festival de Woodstock au nord de l'Etat de New York. C’était la plus importante fête de la contre-culture, annoncé comme 3 jours de paix et de musique. Ils furent 500 000 à y participer. Hendrix devait clore la première nuit, mais il joua jusqu'au lendemain matin à huit heures ! Le nouveau groupe d'Hendrix -Band of Gypsys-comprenait Mitch Mitchell, Billy Cox, le guitariste rythmique Larry Lie et les percussionnistes Juma Sultan et Jerry Velez. Le clou de leur prestation fut "Star Spangled Banner", une interprétation très forte de l'hymne national américain. Ce morceau instrumental joué au plus fort de l'agitation aux U.S.A. sur les droits civiques et la guerre du Vietnam constituait une prise de position très éloquente !

Accrochez-vous mes chers auditeurs, car nous allons faire un détour par Woodstock pour vivre en musique l'improvisation magistrale d'Hendrix ...


L’histoire d'Hendrix s'achève à Londres. Le musicien logeait chez une amie, Monika Danemman. Durant la nuit du 17 Septembre Jimi décide de prendre quelques somnifères, sachant que le jour suivant il devait quitter Londres pour New York. Cependant, le lendemain matin, le 18 Septembre 1970 Jimi Hendrix décède par asphyxie. Il n'avait que 27 ans. Malgré tout sa musique reste immortelle et Hendrix deviendra un des plus grands pionniers et génies du monde de la musique rock. Je lui rendrais un dernier hommage en musique en vous offrant en passant, des titres totalement inédits histoire de clôturer cette émission en beauté ! Vous découvrirez d« Drifting », un morceau  enregistré chez lui, dans son propre studio.

Plongez une dernière fois dans l'univers électrique de Jimi Hendrix dans la Note blanche ...


L'émission  consacrée au génie de Jimi Hendrix se termine sur ces dernières notes ! Mais attention à vos oreilles car la Note blanche revient mercredi prochain à 11h pour la rediffusion de cette émission ainsi que, comme d'habitude, samedi à 17h pour de nouvelles surprises en musique sur radio Balises 99.8 !


Playlist :


Générique : « Musiqawi» The Daktaris
1 : « All along the Wachtower » (4’00)
2 : « Foxy Lady » (3’15)
3 : «Are you experienced » (4’14)
4 : « Hey Joe » (3’25)
5 : « Highway Chile » (3’32)
6 : « Voodoo Chile » (5’13)
7 : « Burning of the Midnight lamp » (3’35)
8 : « Purple haze » (2’44)
9 : « Fire » (2’37)
10 : « Bold as love » (6’37)
11 : « Angel » (4’16)
12 : « Castles Made of Sand » (2’45
13 : « Woodstock improvisation » (3’59)
14 : « Drifting » (3’48)
Générique : « Musiqawi» The Daktaris


Ecoutez le podcast de l'émission en cliquant sur les liens ci-dessous:



Emission rédigée et réalisée par la Note blanche

1 mai 2019

Lettre de Jimi Hendrix à son père

Jimi Hendrix est sans nul doute l’un des meilleurs guitaristes du XXème siècle. Tout le monde se souviendra de ses solos endiablés et notamment de son hymne américain joué pendant Woodstock. Disparu trop jeune, à 27 ans comme tant d’autres, c’est la drogue qui l’emportera. Sous son influence, il décide d’écrire à son père, se livrant à des questions existentielles qui ne font que prouver la sagesse de l’homme.

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"Toujours mener la grande vie dans ce monde 
d'Aveuglement et cette soi-disant RÉALITÉ".


[Sans date]



Papa, mon amour, quoi, ou du moins la plus grande partie de ce que j’ai à offrir, c’est de la racaille — mais tu sais et sais que ça à l’air d’être dans l’ordre des choses. Mais qu’est-ce qu’on y peut (de bien des façons, je suis une racaille, tu sais, celui qui raconte toutes ces CONNERIES).

Si tu ne peux pas ou si cela t’exaspère, alors pourquoi venir au concert ? Je connais l’amour autant (que) toi-même pour moi et Eon [sic] (c’est peut-être pas très clair), on en parle en privé (toi et moi), Mother Rock est là. Toujours mener la grande vie dans ce monde d’Aveuglement et cette soi-disant RÉALITÉ. Mais parler de ce CHEMIN qui mène au paradis — les Anges, Esprits saints, etc., Dieu, etc., ils ont un boulot très difficile pour coller les mots sur une boîte de savon, ou une marionnette, ou un nuage, pour convaincre le monde sans dispute ou débat ou etc., au sujet de savoir si les anges existent sous une forme conventionnelle ou non. Tu es ce que j’accepte avec joie comme étant un ange, un don de Dieu, etc. !

Oublie les opinions et les commérages du monde.

Il se peut qu’un jour je vienne poser des questions très importantes (retour au normal) qui me soucient sur une histoire sans réponse sur le mode de vie de ma mère — Mrs. Lucille, il y a certaines choses que je dois savoir à son sujet pour des raisons qui me sont propres et strictement privées.

"Moins que zéro" de Bret Easton Ellis (1985)

Moins que zéro de Bret Easton Ellis, c’est après ce premier roman, premier coup d’éclat en 1985, qui contient en germe toute la fureur et la folie à venir… que l’auteur écrira en écho « Vous qui entrez, laissez toute espérance » : la première phrase d'American Psycho rédigée six ans plus tard. Une phrase qui répond directement au « Disparaître ici » que le narrateur et anti-héros du roman, Clay, ne cesse d’entrevoir sur les immenses panneaux publicitaires qu’il croise sur les routes de LA. Le livre a connu un immense succès (50 000 exemplaires la première année) et propulse son auteur, alors âgé de 21 ans, vers la gloire en parallèle de son « jumeau toxique » Jay Mc Inerney qui venait de publier «Bright lights, Big city Journal d’un oiseau de nuit  en VF), une autre vision de la jeunesse et de la drogue sur la cote Est américaine. Moins que zéro ,  est une oeuvre sur une certaine jeunesse, celle qui hante la cité des anges qui pourrait être aussi bien rebaptisée « cité des zombies » (Zombies étant par ailleurs le titre de l’un de ses recueils de nouvelles). La jeunesse dorée, désœuvrée, désabusée, déboussolée de L.A dans les années 80, les années fric dans l’univers frelaté des fils et des filles des riches producteurs hollywoodiens. Une ambiance et un style de vie « alanguie, décadente et dissolue » (selon ses termes dans Lunar park) Un portrait violent et subversif où sourde, en continu, une angoisse aussi impalpable qu’effrayante. Une lente et inexorable descente aux enfers, un chaos intérieur, un vertige que l’auteur tente de fixer dans ce décor halluciné. Bien plus qu’un simple roman « trash », « sex, drug and rock » comme on l’a trop souvent vite étiqueté, Moins que zéro (titre inspiré par le titre du 1er 45 tours d'Elvis Costello, dont le poster orne la chambre du héros) est un traité du désespoir, une fuite en avant existentielle face à un ennui mortel au sens littéral du terme… Un premier roman âpre, brut et oppressant. Comme un orage qui gronde et qui refuse d’éclater : 

« Où vas-tu, je lui ai demandé.
– J’en sais rien, il a dit. J’me balade.
– Mais cette rue ne mène nulle part, je lui ai dit.
– Peu importe.
– Qu’est-ce qui importe ? je lui ai demandé au bout d’un moment.
– Simplement d’aller de l’avant, il a répondu. »

Il y a Blair, Trent, Kim, Pierce, Julian ou encore Rip leur dealer… Ils ont 15, 16 ou 17 ans et vivent à Los Angeles, dans les quartiers huppés de Mulholland, Bel Air ou encore Beverly Hills. Ils sont fils ou filles de richissimes producteurs ou réalisateurs hollywoodiens. Leurs (seules) préoccupations ? Savoir dans quelle "party" ils vont se rendre le soir, dans quel club ou chez qui ils vont bien pouvoir aller sniffer quelques lignes de coke ou s’envoyer en l’air avec d’autres corps tout aussi paumés, quelque soit son sexe… On parle des O.D, de qui a couché avec qui ou des anorexies de connaissances communes comme on parlerait de la pluie ou du beau temps…Le jour ils végètent, « écroulés » ou « défoncés » devant leur piscine scintillante en tournant les pages de « People », de « GQ » ou de « Playboy »…, s’abrutissent devant les clips de MTV ou projettent parfois mollement d’aller au cinéma même s’ils ont « déjà vu tous les films, parfois même deux fois, à l’affiche »… En désespoir de cause, ils fuient parfois en Porsche ou en Ferrari vers leur villa secondaire, au bord des plages de Palm Springs ou de Malibu…Ce sont un peu les Paris Hilton des années 80, on pense aussi à quelques références modernes comme les adolescents mis en scène par Larry Clark notamment dans Bully , (le « white trash » chez les riches).

Hypocrisie, incommunicabilité et règne des apparences : 


C’est leur vie que Bret Easton Ellis a choisi de décrire dans ce fulgurant roman, prenant comme prétexte le retour en ville de son narrateur, Clay parti étudier dans le New Hampshire, à l’occasion des fêtes de Noël. Ce contexte de Noël, fête de famille par excellence, permet de souligner avec encore plus d’emphase les rapports tendus voire inexistants entre ces enfants et leurs parents (démissionnaires pour la plupart). « Je ne regarde pas très souvent mes parents, je ne cesse de me passer la main dans les cheveux en regrettant de ne pas avoir de coke, n’importe quoi pour m’aider à surmonter cette épreuve… » (Clay pendant le réveillon le soir de noël) ou encore son père qui remplit d’un « air dur et buté » les chèques de ses enfants pour Noël devant eux. Et l’hypocrisie kitsch de la tradition en Californie avec ses « père-noël en plastique éclairé au néon tenant un faux sucre d’orge long d’un mètre » dans la ville de la superficialité par excellence.
De façon générale c’est l’incommunicabilité qui domine dans ce roman. Incommunicabilité avec la famille (et le père tout particulièrement dans le cas de Clay, ce qui n’est pas sans faire écho à la brouille entre Bret Easton Ellis et son propre père qui n’a jamais su le comprendre). Il traduit avec subtilité la nervosité des personnages, la tension qui les habite sans que l’on sache exactement pourquoi ce qui intensifie le malaise général. Les dialogues d’une grande justesse (pour lesquels il démontre dés ce premier roman un vrai talent) le démontrent, en particulier dans leurs non-dits, hésitations et absences, autre marque de fabrique de l’auteur. Un art qui sera bien sûr porté à son comble dans American Psycho : 

" Il y a un long silence, elle dit Okay encore une fois et raccroche. " ; " Elle refuse de croiser mon regard. »; « mes mains tremblent salement"


Et déjà l’humour entre ironie grinçante et cynisme qui peuple ses répliques parfois totalement décalées :

« Quels sont les deux plus gros mensonges du monde ?
– Je vais te rembourser et : ne t’inquiètes pas je ne jouirai pas dans ta bouche. »

« – Bon Dieu Clay on dirait que tu es sous acide ou que tu as pris quelque chose » dit Blair en allumant une autre cigarette.
– J’ai tout simplement dîné avec ma mère, je lui dis. »

– « Où est Trent, je demande, en fait pour savoir où est le bar »

Narration en spirale hypnotique : 


Une vie qu’il raconte comme des flashs hallucinogènes : sans réelle transition, il passe d’une scène à l’autre. Les actions s’enchaînent un peu mécaniquement, dans son fameux style minimaliste. Prendre une douche, conduire vite la nuit dans les rues complètement vides ou sur Sunset, éplucher une orange, aller nager, allumer une cigarette, mettre ses lunettes de soleil, feuilleter Vogue, fixer le poster d’Elvis de sa chambre d’adolescent, prendre 20 mg de lithium ou de valium, se déshabiller et s’allonger sur le lit tandis que Bowie chante à la radio…Traîner, zoner. Descente de coke, nez qui pisse le sang. Se sentir fatigué, découragé. Eviter d’avoir « la tête claire ». C’est cette narration en apparence monotone qualifiée de « récursive » (créant une sensation de spirale) qui contribue à installer cette atmosphère oppressante, renforcée par le ton égal et impassible employé pour raconter aussi bien le pire comme l’anodin. Le mal-être, le vertige du vide qui hantent les personnages contamine progressivement le lecteur au fil des pages. On est frappé par leur détachement presque indécent à tout. Leur insensibilité, on a l’impression qu’ils sont presque incapables de compassion, emmurés dans leur égoïsme d’enfant gâté comme lorsqu’ils voient sur le bord de la route la voiture d’une famille mexicaine brûler qu’ils regardent comme un spectacle…Un dialogue entre Clay et sa petite amie situé vers la fin du livre est assez poignant et révélateur :

" Ai-je jamais compté pour toi, Clay ?
Je réponds rien, me replonge dans le menu.
– Ai-je jamais compté pour toi, Clay ? elle me redemande.
– Je ne veux pas de l’amour. Si je me mets à aimer des trucs, je sais que ça va être pire, que ça sera encore une chose qui me causera du souci. Tout est moins douloureux quand on n’aime pas.
– Tu as compté pour moi, à une époque.”
Je ne réponds rien."

C’est un nihilisme et une passivité glaciale marqués par la maladie mortelle de l’ennui, de l’horreur de n’avoir « envie de rien » (au sens « Kierkegaardien » du terme). 
Ellis installe une atmosphère psychologiquement étouffante. Une atmosphère où le spectre de la mort plane tout du long qu’il s’agisse d’un coyote écrasé sur la route et dont ils observent la lente agonie jusqu’à sa petite amie Blair qu’il trouve avec un sac sur la tête en arrivant à une party ou encore ses jeunes sœurs qui jouent « à la morte » en restant le plus longtemps en apnée au fond de leur piscine, le tout jalonné de références à différents faits divers sanglants… Il use également d’un procédé stylistique qui peut paraître artificiel mais qui fonctionne quand même, celui de ponctuer le présent de réminiscences de son enfance, évoquant les vacances avec ses grands parents, comme les souvenirs d’un temps encore paisible mais bien révolu et où l’on perçoit déjà quelques failles…


L.A, personnage à part entière : 


L’atmosphère particulièrement fascinante de ce roman tient aussi beaucoup à son décor : Los Angeles. Un décor qui joue quasiment un rôle à part entière : les palmiers qui s’agitent sous les violentes bourrasques brûlantes, la canicule, le désert tout proche, les hurlements des coyotes, la vallée, les collines, les dunes, qui environnent les piscines miroitantes dans la nuit sous la lumière des néons, les jacuzzis « bleus et fumants » : « J’avais 15 ans quand j’ai appris à conduire. A Palm Springs je prenais la voiture de mon père pendant que mes parents et mes soeurs dormaient et j’allais me balader dans le désert en pleine nuit, Fleetwood Mac ou les Eagles au volume maximum, capote baissée, entourée des vents brûlants qui faisaient plier les palmiers, et du silence. » ou encore « Et je me rappelle ces matins où j’étais le premier levé et je regardais la vapeur monter de la piscine chauffée vers le désert glacé à l’aube, ma mère assise au soleil toute la journée quand le paysage était si paisible et figé que je voyais les ombres portées se déplacer lentement au fond de l’eau immobile, et le dos sombre et bronzé de ma mère. »

C’est aussi l’un des premiers romans « rock » au sens de sa langue à la fois sèche et électrique mais aussi et surtout par l’omniprésence de la musique dans ses pages (rappelons que Bret Easton Ellis appartenait pendant ses études à l’université, à un groupe de rock pour qui il écrivait des chansons). On « entend » ainsi en fond sonore différents groupes phares des années 80 rock et new Wave : Idol, Devo. Fleetwood Mac ou encore les Eagles… Les personnages fredonnent souvent les paroles des titres à la mode et qui font bien sûr écho à leurs états d’âmes : « Tout droit dans les ténèbres, nous sommes allés droit dans les ténèbres, en franchissant la ligne, oui droit dans les ténèbres, droit dans la nuit… »

Finalement il y a peu de scènes « trash » dans ce roman (comparé à un American psycho ) et l’ensemble reste plus suggestif et subversif qu’autre chose (comme le viol collectif d’une fillette de douze ans ou le visionnage d’un porno snuff). Ellis introduit aussi la prostitution à travers le personnage de Julian, ami d’enfance du narrateur qui pour payer ses dettes de drogue est pris au piège de cet engrenage. L’attitude du narrateur à son égard est très ambivalente en particulier quand il l’accompagne lors d’une passe pour que ce dernier le rembourse : « Et pendant que l’ascenseur descend, passe au premier étage, au rez-de-chaussée et descend encore, je comprends que l’argent est sans importance. Que seule compte une chose : je désire voir le pire. » Une réflexion qui sonne comme une prophétie pour son futur personnage Patrick Bateman…

Paroles de l’auteur (extrait de son roman  Lunar Park  au sujet de  Moins que zéro) :


« Quand j’étais étudiant (…), j’ai suivi un cours d’atelier d’écriture et produit pendant l’hiver 1983 un manuscrit qui a fini par devenir Moins que zéro . Il relatait en détail les vacances de Noël d’un jeune-homme riche, égaré, sexuellement ambigu, revenant de son université de l’Est à Los Angeles – plus exactement à Beverly Hills – et toutes les fêtes qu’il traversait et les drogues qu’il absorbait et tous les garçons et les filles avec qui il couchait et tous les amis qu’il observait passivement s’enfoncer dans l’accoutumance, la prostitution et l’apathie profonde. (…) C’était une mise en accusation non seulement d’un mode de vie qui m’était familier, mais aussi des années Reagan, et indirectement, de l’état présent de la civilisation occidentale. (…) Le roman a été considéré comme une autobiographie mais c’était plutôt un roman à clés et ses scènes à sensation (le porno snuff, le viol collectif d’une fille de douze ans, le cadavre en décomposition dans la ruelle, le meurtre au drive-in) étaient tirés des ragots épouvantables qui s’échangeaient dans la bande que je fréquentais à L.A et non d’une quelconque expérience personnelle. Mais les journaux se sont fortement inquiétés du contenu « choquant » du livre et tout particulièrement de son style : des scènes très brèves écrites sous la forme d’un haïku contrôlé, cinématographique. Le livre était court, c’était une lecture facile (on pouvait avaler ce « bonbon noir » – New-York Magazine- en deux heures) et en raison de sa typographie assez large (et des chapitres qui ne dépassaient jamais une page ou deux), il avait la réputation d’être le roman de la « génération MTV ».


Le roman a été porté à l’écran en 1987 par Marek Kanievska avec Andrew Mc Carthy, Jami Gertz, Robert Downey Jr et James Spader.

Blas P. (La Note blanche)