30 janv. 2015

Le Saut de l'ange, Pascal Quignard

Quelques extraits de Boutès de Pascal Quignard (2008) : 


"Boutès monte sur le pont et saute.
Là où la pensée a peur, la musique pense.
La musique qui est là avant la musique, la musique qui sait se "perdre" n'a pas peur de la douleur. La musique experte en "perdition" n'a pas besoin de se protéger avec des images ou des propositions, ni de s'abuser avec des hallucinations ou des rêves. Pourquoi la musique est-elle capable d'aller au fond de la douleur ? Car elle y gît. Le chant se tient avant la langue articulée plonge - simplement plonge, plonge comme Boutès plonge - dans le deuil de la Perdue".

"C'est à la fois un rythme et un mouvement. Et il est vrai que ce mixte où la négation est active est difficile à définir : retenu, écliptique, stressé, affamé, rétracté, non respiratoire. C'est la rétention du souffle avant la détente musculaire du saut. La brusque rencontre de ce qui apparaît dans l'éclair, au cours de l'orage, entre nuit complète, lumière aveuglante, coups de tonnerre et roulement, tous désynchronisés, peut en procurer une image extraordinaire concentrée et brève".

"Quand Boutès quitte sa rame, il se lève.
Quand Boutès monte sur le pont, il saute".

"C'est ainsi que la voix ancienne d'un oiseau aux seins de femme appelle Boutès. Elle l'appelle bien plus que par son nom : par la battue de son coeur. C'est ainsi que Boutès quitte le rang des rameurs, renonce à la société de ceux qui parlent, saute par-dessus bord, se jette dans la mer. Où va t-il ? Il va où il entend que se prononcent des sons beaucoup plus pressants que les prénoms eux-mêmes".

Boutès, Pascal Quignard

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