10 févr. 2020

"Substance mort", Philip K. Dick

Résumé :


Dans une Amérique imaginaire livrée à l'effacement des singularités et à la paranoïa technologique, les derniers survivants de la contre-culture des années 60 achèvent de brûler leur cerveau au moyen de la plus redoutable des drogues, la Substance Mort. Dans cette Amérique plus vraie que nature, Fred, qui travaille incognito pour la brigade des stups, le corps dissimulé sous un « complet brouillé », est chargé par ses supérieurs d'espionner Bob Arctor, un toxicomane qui n'est autre que lui-même. Un voyage sans retour au bout de la schizophrénie, une plongée glaçante dans l'enfer des paradis artificiels.



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Philip K. Dick (1928-1982) a laissé une œuvre considérable, qui a profondément marqué toute une génération d'auteurs et de lecteurs. Après Le Maître du Haut-Château,Ubik ou Blade Runner, Simulacres, etc. Il livra avec Substance Mort son œuvre la plus personnelle, la plus désespérément aboutie.

Titre original : A Scanner darkly, 1977
Science Fiction - Traduction de Robert Louit
Edition : GALLIMARD, coll. Folio SF 
Autres éditions : 
DENOËL :  1978, 1979, 1988, 1997, 1999
GALLIMARD :  2006, 2007


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Substance Mort de Philip K. Dick par la Note blanche (article) : 


« Ce roman ne propose aucune morale; il n’est pas bourgeois; il ne prétend pas que ses héros ont eu tort de jouer au lieu de travailler dur; il se contente d’énumérer les conséquences. » (p. 394)

Cette phrase qui termine le roman aurait tout aussi bien pu le débuter. Comme le dit si bien la couverture, « N’espérez pas de happy end ». En effet, il n’y en aura pas. Pour autant, ce roman n’est pas déprimant, il est d'une lucidité implacable . En effet, l'auteur recrée une réalité parfois dure, parfois délirante, parfois interpellante et criante de vérité.  Dick arrive à recréer un univers hanté par la drogue, clairement compréhensible pour ceux qui ne lui sont pas familiers et apparemment assez vraisemblable, pour ceux qui le sont. Comme une sorte de pont entre deux mondes, entre folie et raison, entre fuite en avant et vie quotidienne...


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Nous suivons ici le quotidien d’un agent infiltré dans un groupe de drogués, Fred/Bob Arctor. Celui-ci n’arrive plus à savoir qui de Fred ou de Bob est le vrai lui. Il se laisse peu à peu ravager par la drogue, la Substance Mort, qu’il est obligé de consommer pour être crédible. Le quotidien de Fred/Bob est partagé entre ses délires sans queue ni tête avec sa bande d’amis et ses rapports dans le monde aseptisé et hors de tout de la Loi. Lorsqu’il est Fred, le flic, il n’a pas de réelle identité. Il porte en permanence une combinaison qui brouille son aspect, et est obligé de faire des rapports sur lui-même pour ne pas griller sa couverture. Lorsqu’il est Bob Arctor, il est juste un « looser » qui a un énorme béguin pour une fille, Donna, qui ne veut pas lui céder et qui ne sait plus trop ce qu’il fait, si ce n’est chercher sa prochaine dose de Substance Mort. Et pourtant sa vie en tant que Bob semble bien plus consistance que celle en tant que Fred…

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« Robert Arctor s’interrompit. Les contempla, les straights dans leurs costumes de poussahs, leurs chaussures de poussahs, leurs cravates de poussahs. Il songea, la Substance M ne risque pas de leur détruire le cerveau; ils n’en ont pas. » (p. 40)

Ici, les « straights »- comprendre les gens qui marchent droit, les non-drogués – semblent n’être que des moutons juste bons à s’épanouir dans les nombreux temples du nouveau Dieu américain : la Consommation. La vie de straight semble ne pas avoir de sens, parce que privée de l’intensité de celle du junky. Et pourtant, le junky ne fait que courir droit au mur qui causera sa perte. C’est qu’il n’y a pas de bonne solution dans ce monde. Dick montre ici un pessimisme encore plus prégnant que dans ses autres livres. On sent derrière les dialogues, derrière les personnages, derrières les faits divers qui parsèment le récit, une forme de vécu qui rend le tout plus intense. L'écrivain ne se prive pas non plus d’égratigner la société là où ça fait mal, c’est-à-dire là où il semble n’y avoir aucune solution. Comme ici par exemple:

« Il faut posséder la plus haute forme de sagesse, songea-t-elle, pour savoir quand on doit recourir à l’injustice. Comment la justice peut-elle jamais devenir victime du droit? Comment ça peut arriver? C’est qu’une malédiction pèse sur ce monde et j’en ai la preuve sous les yeux. Quelque part, au niveau le plus profond, le mécanisme, le tissu des choses a craqué, et des lambeaux épars est né ce besoin qui nous pousse aux injustices les plus troubles au nom du choix le plus sage. » (p. 339)

L'auteur porte en fait un regard lucide sur ce qui a fait partie de sa vie pendant un certain temps, la drogue. On sent le recul, mais on sent également les méandres vertigineux de la paranoïa, la douleur toujours présente et une infinie tendresse amère pour ces personnes qui se retrouvent piégées dans un monde qui leur fera payer trop cher leurs erreurs… Des erreurs volontaires ou involontaires ?

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« L’abus de drogues n’est pas une maladie; c’est une décision, au même titre que la décision de traverser la rue devant une voiture lancée à vive allure. On n’appelle pas cela une maladie, mais une erreur de jugement. Et quand un certain nombre de gens s’y mettent, cela devient un style de vie – dont la devise, dans le cas présent, serait: « Prends du bonheur maintenant parce que demain tu seras mort. » Seulement la mort commence à vous ronger presque aussitôt, et le bonheur n’est plus qu’un souvenir. » (p. 394)

"On n’appelle pas cela une maladie, mais une erreur de jugement".  Je trouve cette phrase magistrale, parce qu’elle permet de mieux percevoir cet univers, de mieux cerner les gens qui ont plongé dans la substance, parfois malgré eux. Dans un monde climatisé, où tout paraît fade et désuet, la Substance Mort arrive comme un miracle. Cependant, dans ce roman, des conséquences plus graves, et démesurées surviennent...cette substance n'étant qu'une pure machinerie du gouvernement, n'est en fait qu'un piège qui délivre faussement les personnages de leur vie afin de mieux les enfermer dans la société. Sacré paradoxe, n'est-ce pas ? Le junkie pense s'émanciper de la société grâce à la Substance M. alors qu'il n'est que le "produit" d'une machination directement liée à cette dernière.

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Au final, Substance Mort est une oeuvre déroutante et pourtant très limpide, dure mais qui se lit d’une seule traite, pessimiste mais surprenante . Un livre fort, qui permet de découvrir une nouvelle facette de l’auteur, un peu plus humaine que celles qu’il nous livre habituellement. Voici ses propres mots: « Pour ma part, je ne suis pas un personnage du roman; je suis le roman. » (p. 395)


Blas Priscille (La Note blanche)



A Scanner Darkly, le film, bande-annonce :


A Scanner Darkly, un film américain adapté du roman Substance Mort de Philip K. Dick et réalisé par Richard Linklater, est sorti en 2006. 

Avec Keanu Reeves, Winona Ryder et Robert Jr Downey.





A Scanner Darkly, soundtrack :

 






A lire "Substance Mort et le cinéma comme rêve de résurrection"  :


"Substance Mort et le cinéma comme rêve de résurrection"

Extrait  :


Dans Substance Mort (roman paru en 1977) en particulier, Philip K. Dick met en scène l’espoir d’une révélation par l’image : un être transcendant doit permettre de définir ce qu’est le réel, et par là même déjouer la mort, par l’inversion du cours du temps grâce au cinéma.

Pour André Bazin, la photographie lave l’homme du péché de connaissance, la perspective, révélant enfin le référent : l’image ne se substitue plus au monde. « Comme le christ est venu restaurer l’image dégradée de l’homme après le péché d’Adam et Ève, écrit Luc Vancheri à propos de Bazin, Niepce et Lumière sont venus racheter le péché de connaissance des premiers peintres de la Renaissance qui ont désiré goûter au fruit défendu de la peinture, la perspective. » (Luc Vancheri, Cinéma et peinture, Paris, Éditions Armand Colin, Collection « Armand Colin Cinéma », 2007, p. 49). Ainsi le cinéma est porteur de la promesse d’une révélation du réel qui mettra fin au brouillard où les êtres errent, révélation qui, comme dans le Nouveau Testament, s’accompagnera d’une résurrection des morts.


Dans un passage très émouvant où Charles Freck imagine la résurrection de tous ces amis et idoles victimes de la drogue, dont Janis Joplin (photo ci-dessous). Le rêve de Charles Freck prend la forme de la représentation du paradis et de son pendant cinématographique conventionnel, le happy end : "Tous, même ceux qui étaient morts ou complètement cramés, comme Jerry Fabin. Ils se trouvaient tous là, baignés par une belle lumière blanche qui n’était pas celle du jour, mais plus belle encore, comme une mer qui s’étendait sous eux mais qui les recouvrait aussi". (Substance Mort, Paris, Éditions Denoël, collection « Folio SF », traduction de Robert Louit, 2000, p. 190).

LienArticle:http://www.eclatsfuturs.com/post/73222211019/substance-mort-le-cin%C3%A9ma-comme-r%C3%AAve-de

ScannerDarkly,filmstreaming(lien):http://streamay.com/3747-a-scanner-darkly.html

2 commentaires:

  1. e corps dissimulé sous un « complet brouillé », est chargé par ses supérieurs d'espionner lPeliculas online Bob Arctor, un toxicomane

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  2. racheter le péché de connaissance des premiers peintres de la Renaissance qui ont pelis 24 désiré goûter au fruit défendu de la peinture

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