9 août 2016

Histoire de la folie, Michel Foucault

Folie et déraison. Histoire de la folie à l'âge classique (1972) est la thèse majeure du doctorat d'État et le premier ouvrage important de Michel Foucault, qui y étudie les développements de l'idée de folie à travers l'Histoire.




Foucault commence par une analyse au Moyen Âge, notant notamment comment les lépreux furent parqués hors de la société des vivants. Il y eut peut-être jusqu'à 19 000 léproseries à travers la chrétienté, cette précision étant fondée sur Matthieu Paris. Cette question amène à se demander que deviendront les léproseries, une fois la lèpre disparue : « (…) ces structures resteront. Dans les mêmes lieux souvent les jeux de l'exclusion se retrouveront, étrangement semblables deux ou trois siècles plus tard ».

À partir de là, Foucault trace une histoire de l'idée de maladie mentale au xve siècle, et de l'intérêt accru pour l'emprisonnement au xviie siècle en France. Un repère est donné : c'est la fondation par un décret, en 1656, d'un « hôpital général », qui servira de lieu d'internement pour des fous, mais aussi des pauvres, des criminels. Le lieu sera à la fois vecteur de répression et de charité. Toutes ces « confusions » posent donc question.


Bientôt cependant (Première partie, chapitre III) des précisions sont données. Il y eut bien des lieux réservés aux seuls fous : l'Hôtel-Dieu accueillera seulement des aliénés, Bethléem à Londres n'accueillera que des « lunatiques », bien que par ailleurs les « fous », les « furieux » soient mélangés, confondus avec d'autres internés, jusqu'en prison.

Il s'agit alors de questionner la différence entre ces deux lieux. Quand seuls des fous sont internés, il s'agit bien d'une volonté médicale, ce qui n'est pas le cas ailleurs. De plus, Foucault suggère que la confusion que nous percevons dans l'internement est une vision qui n'est pas « juste », puisqu'elle porte sur l'âge classique un regard actuel, et qu'il s'agit donc bien plus de comprendre, non une erreur de l'âge classique, mais bien une « expérience homogène » de l'exclusion, des « signes positifs », une « conscience positive ».

Allant plus loin, Foucault remarque que les asiles réservés aux fous ne sont pas nouveaux à l'âge classique. La nouveauté qu'apporte cette période, ce sont bien les lieux qui mélangent fous et autres, charité et répression. En effet, Foucault précise l'existence d'hôpitaux réservés aux fous : à Fez au viie siècle, à Bagdad au xiie siècle, puis au Caire au siècle suivant…




Enfin, la folie aurait été reconnue comme une maladie de l'âme, puis avec Freud, comme une maladie mentale. Foucault accorde une grande attention à la façon dont le statut de fou passa de celui d'un être occupant une place acceptée, sinon reconnue, dans l'ordre social, à celui d'un exclu, enfermé et confiné entre quatre murs.

Foucault étudie les différentes manières et tentatives de traitement des fous, et plus particulièrement les travaux de Philippe Pinel et Samuel Tuke. Foucault présente clairement les traitements appliqués par ces deux hommes comme non moins autoritaires que ceux de leurs prédécesseurs. Ainsi l'asile et les méthodes de Tuke n'auraient principalement consisté qu'en la punition des individus reconnus comme fous jusqu'à ce qu'ils apprennent à agir normalement, les forçant effectivement à se comporter à la manière d'êtres parfaitement soumis et conformes aux règles admises. De façon similaire, le traitement des fous par Pinel semble n'avoir été qu'une version étendue de la thérapie par aversion, y incluant des traitements tels que la douche glacée et l'utilisation des camisoles de force. Pour Foucault, ce type de traitements ne revient qu'à brutaliser le patient à répétition jusqu'à ce que celui-ci intègre la structure du jugement et de la punition.


Michel Foucault (1926-1984) : Une vie, une oeuvre

 


L'émission de France Culture, "Une vie, une oeuvre", était consacrée le 07 juillet 1988 au philosophe français, Michel Foucault. Par Christine Goémé et Evelyne Frémy. L'œuvre de Michel Foucault est surtout connue pour ses effets militants : elle a démystifié le pouvoir médical, l'enfermement des fous et des criminels ; elle est une vue critique archéologique de nos façons de voir, de savoir et de sentir. Mais on n'insistera jamais assez sur ce qui importait à travers tout cela. Une interrogation sur la nature et l'histoire du vrai. Comment des valeurs, des réalités, ou des discours deviennent-ils vrais ? C'est à saisir cette naissance de la vérité que Michel Foucault s'est consacré. Comment en effet Michel Foucault a-t-il travaillé à faire surgir la vérité, selon cette manière de cerner l'espace où se produisent des effets de vérité, par-delà le jeu entre le vrai et le faux ? Non pas système de pensée, mais méthode d'approche à travers la confrontation de plusieurs discours et de plusieurs réalités. Non pas réflexion sur des objets de savoir, mais à partir d'objets laissés de côté par le savoir, comme en creux. Que l'homme ait à se "dépendre de lui-même", telle sera la démonstration de cette émission, en prise directe avec l'enseignement de Michel Foucault et sa déconstruction des systèmes.

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