12 sept. 2016

Van Gogh le suicidé de la société

Biographie :


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Fils d'un pasteur néerlandais, neveu de son homonyme Vincent Van Gogh qui co-dirigeait la firme de négoce d'art international Goupil & Cie à La Haye, Vincent, comme son frère Théo, commença par suivre la tradition familiale en juillet 1869 en entrant en apprentissage chez Goupil & Cie. ll devait y rester plus de 5 ans, à La Haye, puis dans les filiales, à Bruxelles, Londres (juin 1873 à mai 1875), Paris (jusqu'à fin 1875), où il commença à développer un dégoût pour le commerce de l'art. Il se mit alors à mener une vie de reclus et à lire intensément la Bible. Il quitte son emploi et retourne chez ses parents à Etten en 1876, avant de retourner en Angleterre comme professeur dans un internat, puis prédicateur.

L'année suivante, il débute des études de théologie à Amsterdam, qu'il abandonne un an après, avant de partir pour le Borinage, en Belgique, comme prédicateur et évangéliste auprès des mineurs de charbon de cette région désolée.

Son tempérament fougueux et ses opinions politiques et sociales avancées le font se heurter aux autorités de l'Eglise et Vincent abandonne sa vocation. C'est seulement en août 1880 à l'âge de 27 ans, que Vincent décida de devenir peintre.


Vincent Van Gogh est un peintre largement autodidacte. Il commence par copier des dessins, particulièrement des scènes de la vie paysanne de Jean-François MILLET, auquel il voue une estime quasi religieuse. Ayant envisagé de rentrer à l'Ecole des Beaux-Arts de Bruxelles, il y passe l'hiver 1881, mais travaille de façon indépendante et quelquefois avec le peintre hollandais Anton Van Rappard jusqu'en avril.

Vincent n'ayant pas de moyens d'existence, c'est son frère Théo, qui travaille à la filiale parisienne de Goupil, qui le prend en charge comme il devait le faire régulièrement tout au long de la vie de Vincent. De retour chez ses parents à Etten, il les quitte après une dispute avec son père, à Noël, pour aller étudier à La Haye auprès de son cousin par alliance, le célèbre peintre Anton MAUVE. Celui-ci lui donnera des cours de dessin, et dirigera ses premières peintures qui datent de l'été 1882.

Mauve et ses amis se détournèrent de Vincent lorsqu'il voulut se mettre en ménage puis épouser une mère célibataire, Sien Hoornik, qu'il avait engagée comme modèle. Il ne put dès lors compter que sur l'aide matérielle et morale de son frère Théo, et, après un bref séjour à Drenthe en septembre 1883, la solitude le pousse à retourner en décembre 1883 chez ses parents, désormais installés à Nuenen (dans le Brabant, près d'Eindhoven), deux ans après les avoir quittés.

A Nuemen, Van Gogh se veut une sorte de porte-parole artistique des classes défavorisées, préoccupation sociale qui devait le suivre toute sa carrière, le thème de la vie populaire.


Toutes ces études débouchèrent sur son premier chef-d'oeuvre, "Les mangeurs de pommes de terre" ('avril 1885), et d'autres toiles comme "Chaumière à la tombée du jour", "Tisserand avec son métier", "Nature morte à la Bible ouverte"...Suite à Nuemen et au décès de son père, le peintre fait son entrée à Paris.

Van Gogh allait s'adapter très vite à Paris, se liant d'amitié avec de nombreux impressionnistes, lesquels pratiquaient pourtant une peinture d'avant-garde bien différente de la sienne, allant même jusqu'à adopter, au moins provisoirement, certaines de leurs façons.

Il y étudia dans l'atelier du peintre Fernand CORMON, dessinant sans relâche à partir de modèles et de plâtres. Mais faute d'y trouver ce qu'il cherchait, Vincent quitta l'atelier au bout de 3 mois pour travailler à nouveau seul. Il s'y fit toutefois de véritables amis : Emile BERNARD, et Henri de TOULOUSE-LAUTREC qui lui fit découvrir la vie nocturne de Montmartre. Lorsque Van Gogh arrive à Paris en 1886, les Impressionnistes tiennent leur dernière exposition et commencent enfin à être acceptés.

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Déjà Georges SEURAT et Paul SIGNAC cherchent, avec le Divisionnisme, à créer un néo-impressionnisme plus scientifique. Van Gogh, s'intéressant particulièrement à leurs recherches basées sur la division du spectre de la lumière, reprit sa technique, étudiant l'impression optique laissée par de petites touches de couleurs primaires (le rouge, le bleu et le jaune) et complémentaires (le violet, l'orange et le vert). Van Gogh fut aussi sensible au courant du Synthétisme de GAUGUIN, tendant vers une certaine abstraction et stylisation où les formes des objets sont obtenues à l'aide de zones colorées délimitées avec précision.

Van Gogh allait explorer ces nouvelles voies dans une série de natures mortes, telles "Roses trémières dans une cruche", "Vase avec zinnias et autres fleurs" (1886), puis "Fritillaires couronne impériale dans un vase en cuivre", et pour la première fois "Quatre fleurs de tournesol fanées" (1887).


Van Gogh délaissa rapidement les "harmonies de gris" qu'il avait si longtemps étudiées pour une palette plus colorée, et se mit à peindre des scènes de rue et des vues de la ville.
Van Gogh peint également de nombreuses scènes de rue ou restaurant "Les jardins de Montmartre", "Intérieur d'un restaurant" (1887), des portraits, "Agostina Segatori au café du Tambourin", "L'italienne", d'une manière nouvelle, où on peut voir comment il a facilement intégré l'impressionnisme : "je préfère peindre des yeux humains à peindre des cathédrales".

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Ne pouvant se payer des modèles, Vincent peint ceux qui veulent bien poser pour lui, et ne réalise pas moins de 25 autoportraits entre mars 1886 et février 1888. Paris découvrait avec enthousiasme les estampes japonaises, et Van Gogh qui les collectionnait tenta de saisir dans plusieurs toiles les principes qui leur étaient sous-jacents : stylisé du tracé, zones de couleur pure, beauté de la nature "Portrait du père Tanguy" (1887). La plupart des oeuvres de cette époque ne portent pas l'empreinte typique de Van Gogh, comme s'il devait poursuivre ses recherches sans essayer d'exprimer ses propres visions et qu'il "n'arriverait à rien avant d'avoir travaillé sur au moins deux cents toiles".

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Venu à Paris dans l'espoir d'être mieux connu des milieux artistiques, et de vendre ses toiles, Van Gogh dut, comme beaucoup de ses amis impressionnistes, exposer dans la vitrine de salles de café ou de magasins. Officiellement, Van Gogh ne vendit de son vivant, en tout et pour tout, que deux tableaux, et ce par l'intermédiaire de Théo. Finalement, Van Gogh, fatigué, dépressif, souhaita quitter l'agitation de Paris, ses hivers rigoureux, pour le sud de la France où il emportait avec lui l'espoir de fonder une communauté d'artistes, un nouvel "Atelier du Midi"

Lors de son séjour à Arles, de son arrivée le 20 février 1888, à son départ pour l'asile de Saint-Rémy le 8 mai 1889, Van Gogh allait exécuter quelque 200 toiles, plus d'une centaine de dessins, et écrire plus de 200 lettres. Arles est à l'époque une ville importante de 23000 habitants, Vincent s'y installe dans la "Maison Jaune", et les réactions de Van Gogh à l' égard d'Arles sont changeantes : "Tout y est parfois aussi formidablement joyeux que la Hollande est triste" ou "Je pense que la beauté des femmes et des costumes n'est parfois aussi radieusement gais que la Hollande est triste".

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Vincent ne s'y intégrera jamais véritablement : "les gens ici sont paresseux et insouciants", "Je ne vois nulle part ici la gaieté du sud dont parle tant Daudet, mais plutôt une désinvolture insipide et une négligence sordide".

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Mais il n'avait rien à redire quant aux paysages qui prennent pour l'artiste des visions poétiques : "quelles compensations quand vient un jour sans vent, quelle intensité de couleurs, quelle pureté de l'air, quelle vibrante sérénité".  Van Gogh travaille avec frénésie, peignant son nouvel univers avec une vivacité de couleurs et une gaieté sans précédent dans sa carrière, sans perdre de temps à la recherche de nouveaux motifs. Il visite peu les régions avoisinantes, sauf à aller aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour voir la Méditerranée, du 30 mai au 3 juin, bref séjour dont il tirera plusieurs toiles magnifiques et qui le confortent dans l'idée de continuer à peindre dans le midi.


L'arrivée de GAUGUIN à Arles le 23 octobre 1888 devait encore accélérer la vie de Van Gogh, tout en contribuant à améliorer sa santé. Il était heureux, avant que les deux hommes ne s'opposent sur leur façon de travailler, et ce qu'il devait appeler, "la catastrophe", dans la journée du 23 décembre, qui vit Van Gogh menacer Gauguin avec un rasoir, avant de se mutiler partiellement l'oreille droite...

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Van Gogh moribond fut conduit à l’hôpital de la ville, son frère Théo se déplace de Paris et le recommande au pasteur protestant d'Arles, Frédéric SALLES. Il se rétablit vite et regagna la maison jaune dès le 7 janvier 1889, se remettant à peindre : "Autoportrait à l'oreille bandée", "Portrait du Dr Félix REY", "La chaise de Vincent avec sa pipe"... Il devait retourner à l’hôpital début février, se plaignant d'entendre des voix. Des voisins envoyèrent une pétition pour que le peintre fut interné. Le peintre SIGNAC put lui rendre visite et le trouva tout à fait lucide et en très bonne santé. Après s'être installé chez le Dr REY, il décida de se faire soigner et entra le 8 mai 1889 à l'asile de Saint-Rémy, accompagné par le révérend SALLES.

Une semaine après son entrée, Vincent fut autorisé à peindre, on lui trouva même une chambre faisant office d'atelier. Il allait conserver durant tout son séjour à l'asile jusqu'en mai 1890, mises à part quelques périodes de dépression et ses "attaques", un esprit très imaginatif et créatif, peignant d'abord dans les jardins de l'asile une série de toiles impressionnistes comme "Les iris" ou "Les lilas".

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Puis il retrouve un style plus novateur, avec un graphisme plus fort, des couleurs plus vives, des lignes accentuées et des perspectives audacieuses, pour peindre les paysages de Provence dans des séries, sur les cyprès - "cyprès", "route avec cyprès et ciel étoilé",... -, sur les oliveraies - 10 grandes toiles "Oliveraie", "La récolte des olives",...-, et les champs - "Les blés jaunes", "Champ de blé et cyprès", "Champ de blé au faucheur", "Champ de blé sous la pluie"...- et des toiles comme "Nuit étoilée".

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L'asile fournit aussi à Van Gogh de nombreux sujets de peinture , "Arbres devant l'hospice Saint-Paul", "Jardin de l'Hospice à Saint-Paul" (1889)... Il peint aussi beaucoup d'après des gravures et reproductions "La ronde des prisonniers" (d'après Gustave DORE), "La sieste" (d'après MILLET) (1890).


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Vincent envoie régulièrement des toiles à Théo, en prenant soin d'effectuer des copies des œuvres qu'il considère les mieux réussies, pour garder une trace de son évolution et pour les montrer à sa famille. "Iris" et "Nuit étoilée" seront exposées au 5ième Salon des Indépendants en septembre 1889, puis 10 de ses toiles au Salon de 1890, ainsi que 5 à l'Exposition annuelle des vingt à Bruxelles.

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La réaction très positive d'artistes comme MONET et PISSARRO, ainsi que du critique Albert AURIER encouragèrent beaucoup Vincent et Théo. Vincent qui oscillait entre des périodes très productives et des moments de désespoir, en était venu à penser qu'il était parvenu à créer une oeuvre de valeur... avant de douter encore : "mon travail pendant ces dix ans se résume à de pitoyables études, des échecs".

Après plusieurs "attaques", Van Gogh sentit qu'il lui fallait quitter l'asile. Le 16 mai, il partit pour Paris, où il ne resta que quelques jours chez son frère, avant de partir le 2O mai, ne supportant plus le bruit et l'agitation de la ville, pour Auvers où il se confia au Dr GACHET, l'ami des peintres. 

A une quarantaine de Kilomètres au nord de Paris, Auvers-sur-Oise était devenu un des endroits favoris de nombreux artistes (Cézanne, Pissarro, Sisley, Monet), et Van Gogh fut séduit par son caractère rustique et pittoresque.

Il commença très vite une série sur les maisons aux toits de chaume, les rues du village et son église, "Les chaumières" (22 mai), "l'Eglise d'Auvers" (début juin), "Rue d'Auvers" . Décrivant son tableau "L'Eglise", Van Gogh écrit : "c'est une fois de plus presque la même chose que les études que j'ai faites de la vieille tour et du cimetière de Nuenen, mais les couleurs sont probablement ici plus expressives et plus fortes". Cette phrase montre que l'artiste perçoit son oeuvre dans sa totalité. Van Gogh aura toute sa courte vie de peintre traité les mêmes thèmes, cherchant toujours à progresser en faisant évoluer son style, ses couleurs.Vincent fit le portrait du Dr Gachet, puis de sa fille, suivit de très près les moissons et peignit de nombreuses études sur ce thème, ne s'attachant qu'aux seuls paysages, sans présence humaine, dont les célèbres "Champ de blé sous un ciel orageux" et "Champ de blé avec corbeaux"


Les circonstances exactes de son suicide le dimanche 27 juillet 1890 au soir restent mystérieuses. Il se tira une balle de revolver, réussit à se relever, mais ne décéda que le 29 juillet
Pendant son bref séjour à Auvers, moins de deux mois, il avait peint 70 toiles témoignant de la force d'âme et de la détermination avec lesquelles l'artiste avait poursuivi son but pendant dix ans. Son oeuvre vue dans sa totalité révèle une étonnante richesse artistique et un grand pouvoir d'expression né des longues observations que le peintre tenait pour fondamentales dans son travail.


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Van Gogh le suicidé de la société, Antonin Artaud, (1947) : 


[…] Un fou, Van Gogh ?
Que celui qui a su un jour regarder une face humaine regarde le portrait de Van Gogh par lui-même, je pense à celui avec un chapeau mou. Peinte par Van Gogh extralucide, cette figure de boucher roux, qui nous inspecte et nous épie, qui nous scrute avec un œil torve aussi. Je ne connais pas un seul psychiatre qui saurait scruter un visage d’homme avec une force aussi écrasante et en disséquer comme au tranchoir l’irréfragable psychologie. L’œil de Van Gogh est d’un grand génie, mais à la façon dont je le vois me disséquer moi-même du fond de la toile où il a surgi, ce n’est plus le génie d’un peintre que je sens en ce moment vivre en lui, mais celui d’un certain philosophe par moi jamais rencontré dans la vie. Non, Socrate n’avait pas cet œil, seul peut-être avant lui le malheureux Nietzsche eut ce regard à déshabiller l’âme, à délivrer le corps et l’âme, à mettre à nu le corps de l’homme, hors des subterfuges de l’esprit. Le regard de Van Gogh est pendu, vissé, il est vitré derrière ses paupières rares, ses sourcils maigres et sans un pli. C’est un regard qui enfonce droit, il transperce dans cette figure taillée à la serpe comme un arbre bien équarri.

Mais Van Gogh a saisi le moment où la prunelle va verser dans le vide, où ce regard, parti contre nous comme la bombe d’un météore, prend la couleur atone du vide et de l’inerte qui le remplit. Mieux qu’aucun psychiatre au monde, c’est ainsi que le grand Van Gogh a situé sa maladie. Je perce, je reprends, j’inspecte, j’accroche, je descelle, ma vie morte ne recèle rien, et le néant au surplus n’a jamais fait de mal à personne, ce qui me force à revenir au dedans, c’est cette absence désolante qui passe et me submerge par moments, mais j’y vois clair, très clair, même le néant je sais ce que c’est, et je pourrais dire ce qu’il y a dedans. Et il avait raison, Van Gogh, on peut vivre pour l’infini, ne se satisfaire que d’infini, il y a assez d’infini sur la terre et dans les sphères pour rassasier mille grands génies, et si Van Gogh n’a pas pu combler son désir d’en irradier sa vie entière, c’est que la société le lui a interdit. Carrément et consciemment interdit. Il y a eu un jour les exécuteurs de Van Gogh, comme il y a eu ceux de Gérard de Nerval, de Baudelaire, d’Edgar Poe et de Lautréamont. Ceux qui un jour ont dit : Et maintenant, assez, Van Gogh, à la tombe, nous en avons assez de ton génie, quant à l’infini, c’est pour nous, l’infini. Car ce n’est pas à force de chercher l’infini que Van Gogh est mort, qu’il s’est vu contraint d’étouffer de misère et d’asphyxie, c’est à force de se le voir refuser par la tourbe de tous ceux qui, de son vivant même, croyaient détenir l’infini contre lui ;et Van Gogh aurait pu trouver assez d’infini pour vivre pendant toute sa vie si la conscience bestiale de la masse n’avait voulu se l’approprier pour nourrir ses partouses à elle, qui n’ont jamais rien eu à voir avec la peinture ou avec la poésie. De plus, on ne se suicide pas tout seul. Nul n’a jamais été seul pour naître. Nul non plus n’est seul pour mourir. Mais, dans le cas du suicide, il faut une armée de mauvais êtres pour décider le corps au geste contre nature de se priver de sa propre vie. Et je crois qu’il y a toujours quelqu’un d’autre à la minute de la mort extrême pour nous dépouiller de notre propre vie. Ainsi donc, Van Gogh s’est condamné, parce qu’il avait fini de vivre et, comme le laisse entrevoir ses lettres à son frère, parce que, devant la naissance d’un fils de son frère, il se sentait une bouche de trop à nourrir. Mais surtout Van Gogh voulait enfin rejoindre cet infini pour lequel, dit-il, on s’embarque comme dans un train pour une étoile, et on s’embarque le jour où l’on a bien décidé d’en finir avec la vie. Or, dans la mort de Van Gogh, telle qu’elle s’est produite, je ne crois pas que ce soit ce qui s’est produit. Van Gogh a été expédié du monde par son frère, d’abord, en lui annonçant la naissance de son neveu, il a été expédié ensuite par le docteur Gachet, qui, au lieu de lui recommander le repos et la solitude, l’envoyait peindre sur le motif un jour où il sentait bien que Van Gogh aurait mieux fait d’aller se coucher. Car on ne contrecarre pas aussi directement une lucidité et une sensibilité de la trempe de celles de Van Gogh le martyrisé. Il y a des consciences qui, à de certains jours, se tueraient pour une simple contradiction, et il n’est pas besoin pour cela d’être fou, fou repéré et catalogué, il suffit, au contraire, d’être en bonne santé et d’avoir la raison de son côté. Moi, dans un cas pareil, je ne supporterai plus sans commettre un crime de m’entendre dire: « Monsieur Artaud, vous délirez », comme cela m’est si souvent arrivé. Et Van Gogh se l’est entendu dire. Et c’est de quoi s’est tordu à sa gorge ce nœud de sang qui l’a tué. […]

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