25 févr. 2017

Mario et le Magicien (1930), Thomas Mann écrivain de la "décadence"

Résumé : 


Résultat de recherche d'images pour "Mario et le magicien"Un couple allemand est en vacances sur la côte italienne accompagnée de leurs deux enfants. Boudant la station balnéaire réputée de Porte-Clemente, ils se fixent dans la petite ville de Torre di Venere, quelques kilomètres plus loin.


A peine commencent-ils à profiter de leurs vacances que les ennuis commencent, une princesse se plaint d'entendre leur petit garçon tousser, suite à une fin de coqueluche, et craint d'être infectée par le son même de la toux. Ils doivent faire leurs bagages et s'installent dans la pension de Mme Angiolieri, une dame très aimable, vivant dans son passé alors qu'elle était dame de compagnie de l'actrice connue sous le nom de" la Duse". A peine remis de leurs émotions, voilà qu'ils doivent à nouveau affronter la colère autochtone. A la plage, ils veulent rincer le maillot de leur fille de huit ans, et la dénudent le temps de laver le tissu dans les vagues. Quel scandale pour la pudibonderie locale, on les amène au commissariat et ils doivent même payer une amende. Le couple songe à rentrer, mais n'en fait rien, car les enfants se sont liés d'amitié avec grand nombre d'italiens, notamment un barman mélancolique du nom de Mario. Peu après, des affiches fleurissent sur les murs, fêtant l'arrivée d'un grand magicien dans la ville, les enfants prient leurs parents de les y emmener, n'ayant jamais assisté à un tel spectacle. Ils cèdent et prennent des places. Le soir de la représentation, la salle est bondée, toute la population de Venere est présente. L'artiste tarde à apparaître, et quand il arrive enfin, il laisse une drôle d'impression aux spectateurs, habillé à l'ancienne mode, bossu le teint jaune et les dents pourries, il se contente de fumer et de boire du cognac en étant silencieux. Un jeune homme le hèle d'un "Buona sera", que le magicien prend comme une insulte, il va faire montre de ses talents et humilier l'imprudent. Ses talents ne sont pas du domaine de la prestidigitation, Cipolla est un hypnotiseur. Il humilie l'homme en lui faisant tirer la langue de toute sa longueur et plus tard en le pliant en deux sous des coliques suggérées. Il fait montre de ses talents sur la Signora Angiolieri, et fait même danser la moitié du public malgré lui. Il est également capable de retrouver des objets cachés par les spectateurs en inversant le processus de volonté. Il finit par aller trop loin en convoquant sur scène l'ami des enfants, Mario. Il fait avouer à ce dernier les raisons de sa tristesse, un amour contrarié pour une belle demoiselle, et le convainc, qu'il est lui même la dame de ses pensées. Le barman troublé en arrive à l'embrasser, en pleurs. Quand il reprend ses esprits, floué et en rage. Il sort un petit pistolet et tue l'affreux mage libérant ainsi Venere de son emprise...

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Cette nouvelle est, bien qu'il l'ait longtemps nié, une satire du fascisme dans la manipulation des hommes. Mann y fait une intelligente analyse du principe de volonté : le fait de ne pas vouloir est vide, et l'homme qui veut ne rien vouloir est le plus manipulable. La liberté n'existe pas, on ne peut pas se rebeller contre des hommes tels que Cipolla. Il se pose contre la liberté d'indifférence cartésienne, le dernier degré de liberté (quand on a deux choix et que l'on en choisit aucun, c'est encore un choix et donc l'application de notre liberté). La seconde nouvelle, où Mann raconte son expérience lors d'une séance de "spiritisme" développe elle aussi un concept intéressant, selon lui, le médium ne convoquerait pas des esprits pour exécuter les apparitions et mouvements d'objets. Ce serait une force sortie de lui même qu'il canaliserait pour ces fins. En fait, Thomas Mann est un théoricien bien plus qu'un auteur ...

L'esprit et les méthodes des régimes totalitaires avaient été percés à jour, dès 1930, dans le récit symbolique Mario et le magicien (1930). Thomas Mann, que ses enfants et ses proches appelaient « le magicien » et qui s'intéressait à tout, s'est naturellement intéressé à la magie. Le magicien dont on trouvera le portrait dans Mario et le magicien est un inquiétant hypnotiseur de foire. Il exerce sur son petit public un pouvoir comparable à celui des dictateurs sur les foules. Aussi cette nouvelle, qui raconte des vacances familiales dans l'Italie mussolinienne, a-t-elle pu apparaître comme une satire du fascisme, une satire qui peut tout aussi bien être adaptée à notre siècle... Elle est, plus généralement, une interrogation sur la nature de la volonté et sur les limites de la liberté individuelle. Les récits qui suivent l'apologue du magicien : Expériences occultes, Doux sommeil, Seize ans, entre autres, prolongent cette exploration de l'inconnu où l'auteur de la Montagne magique est vraiment dans son élément.



Analyse : 


Écrivain allemand, Thomas Mann est né à Lübeck (Allemagne), sur la mer Baltique, le 6 juin 1875.

Dans la plénitude de cette troisième phase de son développement, Thomas Mann réalise la difficile synthèse entre l'humanisme et la politique. La période finale (1945-1955) offre une production aussi dense et diverse que ces oeuvres précédentes (Mort à Venise, La Montagne Magique), et l'esprit créateur de l'écrivain reste intact jusqu'aux derniers jours. Il récolte les fruits d'une longue vie consacrée, par un travail régulier, à un effort spirituel continu. C'est le bilan de la civilisation contemporaine qu'il dresse. 

Le romancier-philosophe ne se borde pas à explorer et à décrire la condition humaine. Par ses oeuvres autant que par ses actes, il participe à l'effort de l'humanité pour améliorer cette condition. C'est ainsi que s'expliquent ses grandes prises de position sur le plan politique qui sont inséparables de l'ensemble de sa spiritualité. Inscrite dans un horizon intellectuel et moral très étendu, animée du besoin non seulement d'interpréter le monde mais de le transformer, l'oeuvre de Thomas Mann ne peut présenter qu'une structure complexe. Une deuxième et même une troisième lecture s'imposent pour la plupart de ses livres. Les nouvelles sont relativement simples, mais déjà elles offrent des chapitres assez ardus.

Dès La Montagne magique, le cadre narratif traditionnel est rompu par des considérations, des discussions et des développements de toute nature: esthétiques, scientifiques, politiques, philosophiques. C'est d'ailleurs un phénomène qui se retrouve chez la plupart des grands romanciers du XXe siècle. Mais Thomas Mann y ajoute, en marge de la création littéraire proprement dite, une importante activité critique qui se traduit par de nombreux essais sur les différents écrivains dont il tire son inspiration ou qui lui servent de modèle. Tous ces discours et articles sur Friedrich von Schiller, Johann Wolfgang von Goethe, Friedrich Nietzsche, Arthur Schopenhauer, Richard Wagner, Léon Tolstoï, Fedor Dostoïevski, Anton Tchékhov, Gotthold Ephraim Lessing, Heinrich von Kleist, August von Platen, Theodor Storm, Theodor Fontane, Sigmund Freud, André Gide et beaucoup d'autres font partie intégrante de son oeuvre et ne doivent pas être regardés comme des sous-produits. Le penseur qui double le romancier y trouve sa forme d'expression adéquate. De même, les différents écrits politiques ont une valeur intrinsèque: celui qui, dans la lutte pour la civilisation, prend parti contre l'esprit totalitaire n'est pas différent de l'auteur de Tonio Kröger (1903) et du Docteur Faustus (1947), et il le fait dans le même esprit humaniste qui anime ses nouvelles et ses romans.

Cette merveilleuse unité de l'écrivain et de l'homme d'action fait de Thomas Mann une des grandes personnalités complètes de notre temps. Elle justifie l'intérêt qu'il s'est porté à lui-même dans les nombreux fragments autobiographiques où il explique sa vie et son oeuvre.

Une conférence de 1945, L'Allemagne et les Allemands, résume l'aspect proprement allemand de la crise que traverse cette civilisation. Mais le désarroi du monde moderne révèle toute son ampleur et sa signification générale dans le magnifique Docteur Faustus (1947) dont il est impossible de saisir du premier coup l'audacieuse structure et la haute teneur spirituelle. L'auteur, représenté aussi bien par le téméraire Leverkühn que par le prudent Zeitblom, s'y est mis tout entier, dans un engagement ultime et pathétique. Le fond religieux de la crise, dont les aspects temporels ne sont nullement négligés, apparaît dans les longues discussions sur le bien et le mal, Dieu et le diable, la confiance existentielle et le désespoir nihiliste. Les deux essais parallèles au roman, Dostoïevski (1946) et La Philosophie de Nietzsche à la lumière de notre expérience (1947), font voir à quelles sources remontent la pensée et la sensibilité métaphysiques de l'auteur.

Thomas Mann est un écrivain d'une classe exceptionnelle. Son oeuvre, quantitativement importante, se distingue par sa perfection formelle autant que par la richesse de son fond. Elle restera comme un des témoignages les plus représentatifs et les plus valables de la première moitié du XXe siècle. C'est à tous les aspects de notre civilisation que s'est attaché son esprit vaste et compréhensif; il a observé le monde, pensé ses problèmes et élucidé ses difficultés avec une souveraine liberté d'esprit; de plus, et malgré sa réputation d'ironiste et d'humoriste, il a apporté un concours sérieux et désintéressé à l'effort constructif des hommes. Pour ce qui est de son rang dans l'histoire de la littérature allemande, on peut dire, sans faire tort à ses grands contemporains qu'il dépasse par la variété de ses intérêts et la vigueur synthétique de son humanisme, qu'il détient pour son époque la place occupée jadis dans la sienne par Goethe.

En cours d'écriture ...

Thomas Mann est mort à Kilchberg, près de Zurich, le 12 août 1955, à l'âge de 80 ans.


Blas P. (La Note blanche)

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