Il ne faut pas s'astreindre à une oeuvre, il faut seulement dire quelque chose qui puisse se murmurer à l'oreille d'un ivrogne ou d'un mourant.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1272
Jamais à l'aise dans l'immédiat, ne me séduit que ce qui me précède, que ce qui m'éloigne d'ici, les instants sans nombre où je ne fus pas: le non-né.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1272
Je sais que ma naissance est un hasard, un accident risible, et cependant, dès que je m'oublie, je me comporte comme si elle était un événement capital, indispensable à la marche et à l'équilibre du monde.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1273
Le vrai contact entre les êtres ne s'établit que par la présence muette, par l'apparente non-communication, par l'échange mystérieux et sans parole qui ressemble à la prière intérieure.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1274
Que tout soit dépourvu de consistance, de fondement, de justification, j'en suis d'ordinaire si assuré, que, celui qui oserait me contredire, fût-il l'homme que j'estime le plus, m'apparaîtrait comme un charlatan ou un abruti.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1274
Être en vie - tout à coup je suis frappé par l'étrangeté de cette expression, comme si elle ne s'appliquait à personne.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1275
J'aimerais être libre, éperdument libre. Libre comme un mort-né.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1275
S'il entre dans la lucidité tant d'ambiguïté et de trouble, c'est qu'elle est le résultat du mauvais usage que nous avons fait de nos veilles.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1275
Ne jamais s'évader du possible, se prélasser en éternel velléitaire, oublier de naître.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1276
Quand on revoit quelqu'un après de longues années, il faudrait s'asseoir l'un en face de l'autre et ne rien dire pendant des heures, afin qu'à la faveur du silence la consternation puisse se savourer elle-même.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1276
[...] tout malaise n'est qu'une expérience métaphysique avortée.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1277
Je rêve d'un confesseur idéal, à qui tout dire, tout avouer, je rêve d'un saint blasé.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1278
Certains ont des malheurs; d'autres, des obsessions. Lesquels sont le plus à plaindre?
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1278
Je n'aimerais pas qu'on fût équitable à mon endroit: je pourrais me passer de tout, sauf du tonique de l'injustice.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1278
Nous n'avouons nos chagrins à un autre que pour le faire souffrir, pour qu'il les prenne à son compte. Si nous voulions nous l'attacher, nous ne lui ferions part que de nos tourments abstraits, les seuls qu'accueillent avec empressement tous ceux qui nous aiment.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1279
Tout malaise individuel se ramène, en dernière instance, à un malaise cosmogonique, chacune de nos sensations expiant ce forfait de la sensation primordiale, par quoi l'être se glissa hors d'on ne sait où...
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1280
Nulle différence entre l'être et le non-être, si on les appréhende avec une égale intensité.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1280
Le non-savoir est le fondement de tout, il crée le tout par un acte qu'il répète à chaque instant, il produit ce monde et n'importe quel monde, puisqu'il ne cesse de prendre pour réel ce qui ne l'est pas. Le non-savoir est la gigantesque méprise qui sert de base à toutes nos vérités, le non-savoir est plus et plus puissant que tous les dieux réunis.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1280
[...] l'échec, toujours essentiel, nous dévoile à nous-mêmes, il nous permet de nous voir comme Dieu nous voit, alors que le succès nous éloigne de ce qu'il y a de plus intime en nous et en tout.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1281
Après minuit commence la griserie des vérités pernicieuses.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1281
Ce qu'on appelle "sagesse" n'est au fond qu'une perpétuelle "réflexion faite", c'est-à-dire la non-action comme premier mouvement.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1281
[...] naître, c'est s'attacher.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1282
N'est pas humble celui qui se hait.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1285
J'ai toujours cherché les paysages d'avant Dieu. D'où mon faible pour le Chaos.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1286
J'ai décidé de plus m'en prendre à personne depuis que j'ai observé que je finis toujours par ressembler à mon dernier ennemi.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1286
On ne devrait écrire des livres que pour y dire des choses qu'on n'oserait confier à personne.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1286
Plus les hommes s'éloignent de Dieu, plus ils avancent dans la connaissance des religions.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1287
Regarder sans comprendre, c'est le paradis. L'enfer serait donc le lieu où l'on comprend, où l'on comprend trop...
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1287
[...] c'est la volonté de donner notre maximum qui nous porte aux excès et aux dérèglements.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1288
N'est profond, n'est véritable que ce que l'on cache. D'où la force des sentiments vils.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1288
Aime à être ignoré.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1288
L'essentiel n'a jamais exigé le moindre talent.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1288
Ce n'est pas la peine de se tuer, puisqu'on se tue toujours trop tard.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1290
[...] éthique du crépuscule [...]
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1290
On a d'autant plus de prise sur ce monde qu'on s'en éloigne, qu'on n'y adhère pas. Le renoncement confère un pouvoir infini.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1290
Il répugnait aux vérités objectives, à la corvée de l'argumentation, aux raisonnements soutenus. Il n'aimait pas démontrer, il ne tenait à convaincre personne. Autrui est une invention de dialecticien.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1291
Je n'ai pas rencontré un seul esprit intéressant qui n'ait été largement pourvu en déficiences inavouables.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1293
Il n'est pas d'art vrai sans une forte dose de banalité. Celui qui use de l'insolite d'une manière constante lasse vite, rien n'étant plus insupportable que l'uniformité de l'exceptionnel.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1293
Être objectif, c'est traiter l'autre comme on traite un objet, un macchabée, c'est se comporter à son égard en croque-mort.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1294
Tout est unique - et insignifiant.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1294
Dieu seul a le privilège de nous abandonner. Les hommes ne peuvent que nous lâcher.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1294
Les penseurs de première main méditent sur des choses; les autres, sur des problèmes. Il faut vivre face à l'être, et non face à l'esprit.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1296
Si l'on pouvait se voir avec les yeux des autres, on disparaîtrait sur-le-champ.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1296
[...] la biographie d'une pensée [...]
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1298
L'unique confession sincère est celle que nous faisons indirectement - en parlant des autres.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1299
La conscience est bien plus que l'écharde, elle est le poignard dans la chair.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1299
Faire le mal est un plaisir, non une joie. La joie, seule vraie victoire sur le monde, est pure dans son essence, elle est donc irréductible au plaisir, toujours suspect et en lui-même et dans ses manifestations.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1299
Le sage est celui qui consent à tout, parce qu'il ne s'identifie avec rien. Un opportuniste sans désir.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1300
Ce que les autres font, nous avons toujours l'impression que nous pourrions le faire mieux. Nous n'avons malheureusement pas le même sentiment à l'égard de ce que nous faisons nous-mêmes.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1300
Nous ne comprenons ce qu'est la mort qu'en nous rappelant soudain la figure de quelqu'un qui n'aura été rien pour nous.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1302
Toute forme de hâte, même vers le bien, trahit quelque dérangement mental.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1302
Nous ne pardonnons qu'aux enfants et aux fous d'être francs avec nous: les autres, s'ils ont l'audace de les imiter, s'en repentiront tôt ou tard.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1304
Ne dure que ce qui a été conçu dans la solitude, face à Dieu, que l'on soit croyant ou non.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1305
Nous avons perdu en naissant autant que nous perdrons en mourant. Tout.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1305
[...] une démence intéressée...
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1307
[...] guérir de l'ennui par la stupeur.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1307
Plus d'un déséquilibre - peut-être même tout déséquilibre - provient d'une vengeance qu'on a différée trop longtemps. Sachons exploser! N'importe quel malaise est plus sain que celui que suscite une rage thésaurisée.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1309
L'avantage d'être quelqu'un est plus rare que celui d'oeuvrer. Produire est facile; ce qui est difficile, c'est dédaigner de faire usage de ses dons.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1309
[...] un enfer trop parfait est presque aussi stérile que le paradis.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1310
L'interminable est la spécialité des indécis.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1311
Le désir de paraître subtil ne nuit pas à la subtilité. Un débile mental, s'il pouvait ressentir l'envie d'épater, réussirait à donner le change et même à rejoindre l'intelligence.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1312
C'est une aberration de se vouloir différent de ce qu'on est, d'épouser en théorie toutes les conditions, sauf la sienne.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1313
On doit se méfier des lumières qu'on possède sur soi. La connaissance que nous avons de nous-même, indispose et paralyse notre démon. C'est là qu'il faut chercher la raison pour laquelle Socrate n'a rien écrit.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1316
Deux ennemis, c'est un même homme divisé.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1316
Ce n'est pas la peur d'entreprendre, c'est la peur de réussir, qui explique plus d'un échec.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1317
On ne redoute l'avenir que lorsqu'on n'est pas sûr de pouvoir se tuer au moment voulu.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1317
Toute pensée dérive d'une sensation contrariée.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1318
Ce n'est pas le malheur, c'est le bonheur, le bonheur insolent, il est vrai, qui conduit à l'aigreur et au sarcasme.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1319
Plus quelqu'un est comblé de dons, moins il avance sur le plan spirituel. Le talent est un obstacle à la vie intérieure.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1320
Ne regarde ni en avant ni en arrière, regarde en toi-même, sans peur ni regret. Nul ne descend en soi tant qu'il demeure esclave du passé ou de l'avenir.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1323
Écrire est l'acte le moins ascétique qui soit.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1325
[...] un rien de plein [...]
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1326
À quoi la musique fait appel en nous, il est difficile de le savoir; ce qui est certain, c'est qu'elle touche une zone si profonde que la folie elle-même n'y saurait pénétrer.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1327
J'aime lire comme lit une concierge: m'identifier à l'auteur et au livre. Toute autre attitude me fait penser au dépeceur de cadavres.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1328
Dès que quelqu'un se convertit à quoi que ce soit, on l'envie tout d'abord, puis on le plaint, ensuite on le méprise.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1328
Quand il me faut mener à bien une tâche que j'ai assumée par nécessité ou par goût, à peine m'y suis-je attaqué, que tout me semble important, tout me séduit, sauf elle.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1328
Vivre, c'est perdre du terrain.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1330
Dire que tant et tant ont réussi à mourir!
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1330
[...] chacun engendre son propre ennemi.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1331
L'unique moyen de sauvegarder sa solitude est de blesser tout le monde, en commençant par ceux qu'on aime.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1332
Un livre est un suicide différé.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1332
On a beau dire, la mort est ce que la nature a trouvé de mieux pour contenter tout le monde.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1332
Plus on vit, moins il semble utile d'avoir vécu.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1333
La seule manière de nous acheminer vers l'universel est de nous occuper uniquement de ce qui nous regarde.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1337
Ceux que nous n'aimons pas brillent rarement dans nos rêves.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1337
Le scepticisme est l'ivresse de l'impasse.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1339
Il tombe sous le sens que Dieu était une solution, et qu'on n'en trouvera jamais une aussi satisfaisante.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1340
Les avantages d'un état d'éternelle virtualité me paraissent si considérables, que, lorsque je me mets à les dénombrer, je n'en reviens pas que le passage à l'être ait pu s'opérer jamais.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1342
Les obsessions sont les démons d'un monde sans foi.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1345
L'homme accepte la mort mais non l'heure de sa mort. Mourir n'importe quand, sauf quand il faut que l'on meure!
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1345
L'inconscience est une patrie; la conscience un exil.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1345
Une seule chose importe: apprendre à être perdant.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1346
Ce qui est fâcheux dans les malheurs publics, c'est que n'importe qui s'estime assez compétent pour en parler.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1348
La seule chose qu'on devrait apprendre aux jeunes est qu'il n'y a rien, mettons presque rien, à attendre de la vie.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, p. 1349
Le Progrès est l'injustice que chaque génération commet à l'égard de celle qui l'a précédée.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1349
L'idée de progrès déshonore l'intellect.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1353
N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1353
Avec le recul, plus rien n'est bon, ni mauvais. L'historien qui se mêle de juger le passé fait du journalisme dans un autre siècle.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1354
Le sage est un destructeur apaisé, retraité. Les autres sont des destructeurs en exercice.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1355
[...] choyé par la malchance.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1358
Lorsqu'on a commis la folie de confier à quelqu'un un secret, le seul moyen d'être sûr qu'il le gardera pour lui, est de le tuer sur-le-champ.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1361
L'admiration n'a rien à voir avec le respect.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1362
Un texte expliqué n'est plus un texte. On vit avec une idée, on ne la désarticule pas; on lutte avec elle, on n'en décrit pas les étapes.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1364
Avec du sarcasme, on peut seulement masquer ses blessures, sinon ses dégoûts.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1366
L'homme est le cancer de la terre.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1376
Le plaisir de se calomnier vaut de beaucoup celui d'être calomnié.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1376
Les affres de la vérité sur soi sont au-dessus de ce qu'on peut supporter. Celui qui ne se ment plus à lui-même (si tant est qu'un tel être existe), combien il est à plaindre!
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1379
Imaginer, c'est se restreindre, c'est exclure.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1384
La seule manière de supporter revers après revers est d'aimer l'idée même de revers. Si on y parvient, plus de surprises: on est supérieur à tout ce qui arrive, on est une victime invincible.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 1385
[En parlant de l'homme] un singe occupé.
De l'inconvénient d'être né, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p.1388
Se détruit quiconque, répondant à sa vocation et l'accomplissant, s'agite à l'intérieur de l'histoire; celui-là seul se sauve qui sacrifie dons et talents pour que, dégagé de sa qualité d'homme, il puisse se prélasser dans l'être.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p.821
On périt toujours par le moi qu'on assume: porter un nom c'est revendiquer un mode exact d'effondrement.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 821
"Que l'homme n'aime rien, et il sera invulnérable" (Tchouang-Tse). Maxime profonde autant qu'inopérante. L'apogée de l'indifférence, comment y atteindre, quand notre apathie même est tension, conflit, agressivité?
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 822
Notre mal? Des siècles d'attention au temps, d'idolâtrie du devenir.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 823
Vivre à même l'éternité, c'est vivre au jour le jour.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 824
Seul s'affranchit l'esprit qui, pur de toute accointance avec êtres ou objets, s'exerce à sa vacuité.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 825
N'importe qui se sauve par le sommeil, n'importe qui a du génie en dormant: point de différence entre les rêves d'un boucher et ceux d'un poète. Mais notre clairvoyance ne saurait tolérer qu'une telle merveille dure, ni que l'inspiration soit mise à la portée de tous: le jour nous retire les dons que la nuit nous dispense.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 826
[...] ce qui nous vénérons dans nos dieux ce sont nos défaites en beau.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 827
[...] nous sommes tous des Lucifers de statistique.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 827
Contaminés par la superstition de l'acte, nous croyons que nos idées doivent aboutir.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 827
Quiconque s'avise d'atténuer notre solitude ou nos déchirements agit à l'encontre de nos intérêts et de notre vocation.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 828
[...] ce "grand triste" [en parlant du Diable] est un rebelle qui doute.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 829
[...] l'histoire, agression de l'homme contre lui même, [...]; se vouer à l'histoire, c'est apprendre à s'insurger, à imiter le Diable.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 829
Le meurtre suppose et couronne la révolte: celui qui ignore le désir de tuer aura beau professer des opinions subversives, il ne sera jamais qu'un conformiste.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 830
Seuls nous séduisent les esprits qui se sont détruits pour avoir voulu donner un sens à leur vie.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 830
[...] l'utopie, presbytie des vieux peuples.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 833
Les rides d'une nation sont aussi visibles que celles d'un individu.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 834
La destruction des idoles entraîne celle des préjugés.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 837
Nul être soucieux de son équilibre ne devrait dépasser un certain degré de lucidité et d'analyse.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 837
Nombreux sont ceux qui s'apprêtent à vénérer n'importe quelle idole et à servir n'importe quelle vérité, pourvu que l'une et l'autre leur soient infligées et qu'ils n'aient pas à fournir l'effort de choisir leur honte ou leur désastre.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 840
L'art de se survivre, ils [les occidentaux] s'y distinguent déjà.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 841
La raison: rouille de notre vitalité.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 842
On ne peut être normal et vivant à la fois.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 842
L'esprit est vampire.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 845
L'aspiration à "sauver le monde" est le phénomène morbide de la jeunesse d'un peuple.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 847
L'habitude du raisonnement et de la spéculation est l'indice d'une insuffisance vitale et d'une détérioration de l'affectivité. Pensent avec méthode ceux-là seuls qui, à la faveur de leurs déficiences, parviennent à s'oublier, à ne plus faire corps avec leurs idées: la philosophie, apanage d'individus et de peuples biologiquement superficiels.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 849
[...] le génie du regret.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 849
[...] un peuple qui est un tourment pour lui-même est un peuple malade.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 850
Se savoir d'une engeance qui n'a jamais été est une amertume où il entre quelque douceur et même quelque volupté.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 852
Créer une littérature c'est créer une prose.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 854
Il n'est point aisé de n'être de nulle part, quand aucune condition extérieure ne vous y contraint.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 856
Personne ne peut sauver la jeunesse de ses chagrins.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 856
[...] devenir un vaincu décent, un réprouvé convenable.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 857
[...] l'orgasme du remords.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 863
[...] la rage d'un amour-haine.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 867
[...] la volupté d'être épave [...]
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 868
Le tact, vice terrien, préjugé des civilisations enracinées, instinct du protocole [...]
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 871
[...] l'art de vivre [...] consiste dans l'expérience intégrale du présent.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 876
[...] la haine équivaut à un reproche que l'on n'ose se faire à soi, à une intolérance à l'égard de notre idéal incarné dans autrui.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 878
[...] à quelques criminels près, tout le monde aspire à avoir une âme publique, une âme-affiche.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 881
[...] ménopauses métaphysiques [...]
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 883
L'expression n'étant pas de taille à se mesurer avec les événements, fabriquer des livres et s'en montrer fier, constitue un spectacle des plus pitoyables: quelle nécessité pousse un écrivain qui a écrit cinquante volumes à en écrire encore un autre? pourquoi cette prolifération, cette peur d'être oublié, cette coquetterie de mauvais aloi?
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 884
Examinez les esprits qui réussissent à nous intriguer: loin de faire la part des choses, ils défendent des positions insoutenables.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 885
On ne détruit pas, on se détruit.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 885
Plus rien à poursuivre, sinon la poursuite du rien. La Vérité? Une marotte d'adolescents, ou un symptôme de sénilité.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 887
[...] ce climat d'asthme que créent les convictions [...]
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 887
[s'] engager dans n'importe quoi sans y adhérer.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 888
[...] j'ai eu le tort de fréquenter bon nombre de poètes. À quelques exceptions près, ils étaient inutilement graves, infatués ou odieux, des monstres eux aussi, des spécialités, tout ensemble tortionnaires et martyrs de l'adjectif, et dont j'avais surfait le dilettantisme, la clairvoyance, la sensibilité au jeu intellectuel. La futilité ne serait-elle qu'un "idéal"?
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 888
[...] devenir métaphysiquement étrangers.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 888
L'amour ou la haine que nous lui portons [à Dieu] révèle moins la qualité de nos inquiétudes que la grossièreté de notre cynisme.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 889
L'expérience du vide est la tentation mystique de l'incroyant, sa possibilité de prière, son moment de plénitude.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 890
Mes convictions sont des prétextes: de quel droit vous les imposerais-je?
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 893
Virus de la prose, le style poétique la désarticule et la ruine: une prose poétique est une prose malade.
La tentation d'exister, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, p. 897
Shakespeare : rendez-vous d'une rose et d'une hache...
(Syllogismes de l'amertume, p.747, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Ne cultivent l'aphorisme que ceux qui ont connu la peur au milieu des mots, cette peur de crouler avec tous les mots.
(Syllogismes de l'amertume, p.747, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Tout Occidental tourmenté fait penser à un héros dostoïevskien qui aurait un compte en banque.
(Syllogismes de l'amertume, p.748, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Mystère. - mot dont nous nous servons pour tromper les autres, pour leur faire croire que nous sommes plus profonds qu'eux.
(Syllogismes de l'amertume, p.749, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Ce qui fait durer une oeuvre, ce qui l'empêche de dater, c'est sa férocité. Affirmation gratuite ? Considérez le prestige de l'Évangile, livre agressif, livre venimeux s'il en faut.
(Syllogismes de l'amertume, p.749, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Le pessimiste doit s'inventer chaque jour d'autres raisons d'exister ; c'est une victime du « sens » de la vie.
(Syllogismes de l'amertume, p.750, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Il est incroyable que la perspective d'avoir un biographe n'ait fait renoncer personne à avoir une vie.
(Syllogismes de l'amertume, p.751, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Dans les tourments de l'intellect, il y a une tenue que l'on chercherait vainement dans ceux du coeur.
Le scepticisme est l'élégance de l'anxiété.
(Syllogismes de l'amertume, p.753, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Être moderne, c'est bricoler dans l'Incurable.
(Syllogismes de l'amertume, p.753, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire.
(Syllogismes de l'amertume, p.754, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Nous sommes tous des farceurs ; nous survivons à nos problèmes.
(Syllogismes de l'amertume, p.755, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
L'Ennui nivelle les énigmes : c'est une rêverie positiviste...
(Syllogismes de l'amertume, p.756, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Nos flottements portent la marque de notre probité ; nos assurances, celle de notre imposture. La malhonnêteté d'un penseur se reconnaît à la somme d'idées précises qu'il avance.
(Syllogismes de l'amertume, p.756, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Comment peut-on être philosophe ? Comment avoir le front de s'attaquer au temps, à la beauté, à Dieu, et au reste ? L'esprit s'enfle et sautille sans vergogne. Métaphysique, poésie, - impertinences d'un pou...
(Syllogismes de l'amertume, p.757, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Stoïcisme de parade : être un passionné du « Nil admirari », un hystérique de l'ataraxie.
(Syllogismes de l'amertume, p.757, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
La liberté ? Sophisme des bien portants.
(Syllogismes de l'amertume, p.758, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Quand l'idée se cherchait un refuge, elle devait être vermoulue, puisqu'elle n'a trouvé que l'hospitalité d'un cerveau.
(Syllogismes de l'amertume, p.758, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Technique que nous pratiquons à nos dépens, la psychanalyse dégrade nos risques, nos dangers, nos gouffres ; elle nous dépouille de nos impuretés, de tout ce qui nous rendait curieux de nous-mêmes.
(Syllogismes de l'amertume, p.758, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Tout problème profane un mystère ; à son tour, le problème est profané par sa solution.
(Syllogismes de l'amertume, p.759, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Le Réel me donne de l'asthme.
(Syllogismes de l'amertume, p.760, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
On rencontre la Subtilité :
[...]
chez le femmes. Condamnées à la pudeur, elles doivent camoufler leurs désirs, et mentir : le mensonge est une forme de talent, alors que le respect de la « vérité » va de pair avec la grossièreté et la lourdeur.
(Syllogismes de l'amertume, p.760, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Le philosophe « généreux » oublie à ses dépens que d'un système seules survivent les vérités nuisibles.
(Syllogismes de l'amertume, p.761, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
S'ennuyer c'est chiquer du temps.
(Syllogismes de l'amertume, p.766, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
J'ai cherché en moi mon propre modèle. Pour ce qui est de l'imiter, je m'en suis remis à la dialectique de l'indolence. Il est tellement plus agréable de ne pas se réussir !
(Syllogismes de l'amertume, p.766, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Je vadrouille à travers les jours comme une putain dans un monde sans trottoirs.
(Syllogismes de l'amertume, p.767, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Don Quichotte représente la jeunesse d'une civilisation : il s'inventait des événements ; - nous ne savons comment échapper à ceux qui nous pressent.
(Syllogismes de l'amertume, p.769, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Le héros est périmé ; seul le carnage impersonnel a cours. Nous sommes des fantoches clairvoyants, tout juste propres à faire des simagrées devant l'irrémédiable. L'Occident ? Un possible sans lendemain.
(Syllogismes de l'amertume, p.773, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
On cesse d'être jeune au moment où on ne choisit plus ses ennemis, où l'on se contente de ceux qu'on a sous la main.
(Syllogismes de l'amertume, p.776, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Sans Dieu tout est néant ; et Dieu ? Néant suprême.
(Syllogismes de l'amertume, p.777, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Au beau milieu d'études sérieuses, je découvris que j'allais mourir un jour...; ma modestie en fut ébranlée. Convaincu qu'il ne me restait plus rien à apprendre, j'abandonnai mes études pour mettre le monde au courant d'une si remarquable découverte.
(Syllogismes de l'amertume, p.778, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Ne me demandez plus mon programme ; respirer, n'en est-ce pas un ?
(Syllogismes de l'amertume, p.779, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Quel dommage que, pour aller à Dieu, il faille passer par la foi !
(Syllogismes de l'amertume, p.783, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Réfutation du suicide : n'est-il pas inélégant d'abandonner un monde qui s'est mis si volontiers au service de notre tristesse ?
(Syllogismes de l'amertume, p.783, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Hors la matière, tout est musique : Dieu même n'est qu'une hallucination sonore.
(Syllogismes de l'amertume, p.786, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Toute croyance rend insolent ; nouvellement acquise, elle avive les mauvais instincts ; ceux qui ne la partagent pas font figure de vaincus et d'incapables, ne méritant que pitié et mépris. Observez les néophytes en politique et surtout en religion, tous ceux qui ont réussi à intéresser Dieu à leurs combines, les convertis, les nouveaux riches de l'Absolu. Confrontez leur impertinence avec la modestie et les bonnes manières de ceux qui sont en train de perdre leur foi et leurs convictions...
(Syllogismes de l'amertume, p.792, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
L'art d'aimer ? C'est savoir joindre à un tempérament de vampire la discrétion d'une anémone.
(Syllogismes de l'amertume, p.793, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Heureux en amour, Adam nous eût épargné l'Histoire.
(Syllogismes de l'amertume, p.794, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Sans Bach, la théologie serait dépourvue d'objet, la Création fictive, le néant péremptoire.
S'il y a quelqu'un qui doit tout à Bach, c'est bien Dieu.
(Syllogismes de l'amertume, p.797, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Que sont toutes les mélodies auprès de celle qu'étouffe en nous la double impossibilité de vivre et de mourir !
(Syllogismes de l'amertume, p.797, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
À quoi bon fréquenter Platon, quand un saxophone peut aussi bien nous faire entrevoir un autre monde ?
(Syllogismes de l'amertume, p.797, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Point de musique véritable qui ne nous fasse palper le temps.
(Syllogismes de l'amertume, p.798, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
La musique, système d'adieux, évoque une physique dont le point de départ ne serait pas les atomes, mais les larmes.
(Syllogismes de l'amertume, p.798, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Si Noé avait eu le don de lire l'avenir, il n'est point douteux qu'il se fût sabordé.
(Syllogismes de l'amertume, p.800, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Les événements, - tumeurs du Temps...
(Syllogismes de l'amertume, p.800, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Évolution : Prométhée, de nos jours, serait un député de l'opposition.
(Syllogismes de l'amertume, p.800, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
L'histoire, en effet, se ramène à une classification des polices ; car de quoi traite l'historien, sinon de la conception que les hommes se sont faite du gendarme à travers les âges ?
(Syllogismes de l'amertume, p.801, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
L'homme sécrète du désastre.
(Syllogismes de l'amertume, p.801, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Toutes les calamités - révolutions, guerres, persécutions - proviennent d'un à-peu-près... inscrit sur un drapeau.
(Syllogismes de l'amertume, p.803, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Un homme politique qui ne donne pas quelque signe de gâtisme me fait peur.
(Syllogismes de l'amertume, p.803, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
L'anxiété - ou le fanatisme du pire.
(Syllogismes de l'amertume, p.803, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Le secret de mon adaptation à la vie ? - J'ai changé de désespoir comme de chemise.
(Syllogismes de l'amertume, p.807, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
Le spermatozoïde est le bandit à l'état pur.
(Syllogismes de l'amertume, p.812, in Oeuvres, coll. Quarto, éd. Gallimard, 1995)
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