26 mai 2016

Wajdi Mouawad : "Dans le regard des intellectuels sur la jeunesse, il y a du mépris"


Il a été nommé en avril dernier à la direction du Théâtre national de la Colline, à Paris, où il succède à Stéphane Braunschweig. L’auteur, acteur et metteur en scène libanais, émigré en France, est l'invité de Léa Salamé.


"Si je regarde à moyen et long terme je suis face à une des plus belles sociétés qui m’a été donnée de voir, une des plus libres, où la parole, dans la manière qu’elle a de s’exprimer, est d’une force et d’une tension que, dans mon pays, on n’a jamais réussi à atteindre.

En France, à court terme il y a quelque chose qui relève d'une détestation de soi."




"Une des choses qui me heurte le plus en ce moment, c’est la manière dont on traite la jeunesse. (…) C’est un refus d’accepter qu’une jeunesse, jugée inapte à la pensée, soit capable de faire une révolution. (…) Il y a une sorte d’infantilisation.

Chaque époque essaie de inventer une manière d' assassiner sa jeunesse.

Je suis frappé par le fait que lorsqu’on rencontre des adolescents, quand on leur demande ce qui les inquiète, ils répondent avec des réponses d’adulte. (…) On écrase les adolescents avec une sorte de frayeur (…) la possibilité de rêver s’effondre."



Mouwad dénonce le réflexe moralisateur qui s’est emparé de nos sociétés :


"On est passé d’une société « homélisée » à une société « chroniquisée », mais une chronique qu’est-ce que c’est si ce n’est une messe déguisée ?

Il y a une sorte de morale inconsciente d’autant plus vénéneuse qu’elle se sent être dégagée de la morale.

L’enlèvement au sérail » présenté à Lyon :

La question est, comment arriver à monter cet opéra sans opposer deux cultures qui m’ont formé ? Je me suis demandé, qu’est-ce qui les rassemble et non pas qu’est-ce qui les oppose. Elles sont d’accord pour dire qu’il faut maîtriser la femme, la posséder et l’écraser, mais la manière avec laquelle ils le font est diamétralement opposée.

Ce qui m’a intéressé, c’est comment ces deux femmes qui vont vivre deux ans en Orient et qui sont ramenées en Occident, vont mixer cela.

Arrivée à la tête du théâtre de la Colline


J’ai accepté par intuition profonde que je pourrais faire la rencontre entre la création et ce que je peux apporter au public, aux jeunes en particulier.

Je ne veux pas diversifier le public mais faire en sorte qu’ils se rencontrent et surtout métisser les âges".

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